Les femmes s’invitent dans le boys club de la politique municipale

Le milieu politique a longtemps été une chasse gardée masculine. Aujourd’hui, en plus d’avoir réussi à faire leur place dans ce milieu très exclusif, nombreuses sont les femmes qui doivent apprendre à jongler entre les double-standards sexistes, les réseaux sociaux et leur couverture médiatique.

19 candidates aux élections municipales de 2017 ont témoigné sur leur rapport aux médias dans le cadre de l’étude Les représentations médiatiques des femmes aux élections municipales : quels enjeux, quelles incidences pour les candidates ?, publiée le 15 septembre dernier. Les chercheuses de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et la Table de concertation des groupes de femmes de la Montérégie, qui ont travaillé ensemble sur le projet, sont arrivées à la conclusion qu’il y a encore des différences dans l’expérience des hommes et des femmes qui se présentent en politique municipale. 

Un problème de représentation 

Les médias traditionnels influencent grandement l’image publique des politiciennes. Malgré que leur rôle soit de transmettre de l’information neutre, plusieurs candidates interrogées constatent que les articles penchent parfois vers le sensationnalisme ou que les journalistes omettent du contexte important sur leur bagage politique.

La mairesse de l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville, Émilie Thuillier, pense que les médias peuvent avoir un grand impact sur la perception que la société a des femmes en politique. « Quand les médias appellent des experts ou des panels, ce sont très souvent des hommes, explique-t-elle. Qu’est-ce que ça amène dans la conscience collective ? Une femme ne peut pas être aussi experte qu’un homme ».

La mairesse d’arrondissement raconte que, plus jeune, elle était souvent prise pour une attachée politique, l’assistante d’un député, par les citoyens et les citoyennes dans des événements publics dans son quartier. « J’avais le même âge que mes collègues [masculins], pourtant, pour eux, c’était clair qu’[ils] étaient des conseillers, mais pas moi », se souvient-elle.

Les médias sociaux : un couteau à double-tranchant

Pour la mairesse de l’arrondissement Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles Caroline Bourgeois, ce sont les réseaux sociaux qui, permettant un contact direct entre la politicienne et les citoyens et les citoyennes, peuvent être un canal de commentaires sexistes et dénigrants.

« La plupart des gens qui prennent le temps de m’écrire sur ma page font preuve d’un très grand respect », confie-t-elle. Ce sont plutôt quelques commentaires haineux et sexistes qui lui demandent parfois de respirer par le nez. Elle reçoit par exemple des messages qui la compare à « Hitler en talons » ou qui la questionne sur comment son mari endure-t-il sa dictature à la maison. « C’est ultra genré cette sorte de commentaires […] ça n’aide en rien à inciter des femmes à se présenter en politique », indique-t-elle.

Préjugés et double-standards

Les préjugés genrés sont des obstacles fréquents dans la carrière des femmes en politique municipale, révèle l’étude uqamienne. « Les candidates trouvent que l’apparence physique et les traits d’émotion sont parfois davantage mis de l’avant si elles se comparent à leurs homologues masculins. Plusieurs femmes nous ont exprimé le souhait que leurs idées soient mises de l’avant », observe Stéphanie Panneton, doctorante de l’UQAM ayant participé à l’étude.

Mme Thuillier déplore les double-standards encore présents quant à l’image publique des politiciens et des politiciennes : « La mairesse de Montréal rit ou sourit et c’est devenu une raillerie, alors qu’un homme politicien sourit et il a l’air bien. Quand on se fâche, on est tout de suite hystérique alors qu’un homme qui se fâche, on va le voir comme étant en contrôle, mettant son autorité ». Elle remarque aussi que les femmes se font toujours demander : « Qui est à la maison pour garder tes enfants quand tu travailles ? ». Une question qui n’est jamais posée à ses collègues masculins, pourtant pères de famille. 

Mme Bourgeois, mairesse d’arrondissement dans Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, rapporte plutôt que c’est sur le plan de ses vêtements qu’elle se sent jugée. Par exemple, elle doit s’assurer de ne pas remettre la même robe pour un événement, même quand cela fait trois mois qu’elle l’a portée en public, pour éviter les critiques. Ses collègues masculins, à l’inverse, ne se feraient jamais critiquer pour avoir déjà porté la même chemise, croit-elle.

Montréal, en pleine évolution

« Le milieu politique est [un boys club]. Le milieu politique municipal, au Québec, l’est assurément encore, mais en ce moment, à Montréal, c’est très égalitaire », remarque la mairesse d’Ahuntsic-Cartierville. La ville de Montréal a présentement 53 femmes et 50 hommes élu.e.s. Cependant, plus d’hommes sont maires d’arrondissement ou conseillers de villes que de femmes. C’est le poste de conseiller d’arrondissement, hiérarchiquement plus bas et moins bien rémunéré, qui compte davantage d’élues.

Toutes s’entendent pour dire que, malgré tout, Montréal a beaucoup évolué dans les dernières années, notamment avec l’élection de Valérie Plante en 2017. L’arrivée de femmes à des postes de plus grande importance a encouragé des politiques plus inclusives, permettant aux élus et aux élues de travailler en politique, tout en ayant des enfants. Ce progrès permet aux jeunes femmes d’avoir des modèles politiques féminins qui leur ressemblent et qui les encouragent à aller de l’avant avec leurs ambitions.

« [Il faut] bien s’entourer, foncer et prendre les bonnes décisions. Ça arrive qu’on se trompe, mais il faut avoir confiance en nos moyens, rappelle Caroline Bourgeois à toute future femme qui voudrait se lancer en politique. Malheureusement, les femmes, nous sommes parfois atteintes du syndrome de l’imposteur et, ça, il ne faut surtout pas. »

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *