Les conditions d’enseignement font craindre le pire aux syndicats

Alors que la communauté étudiante s’installe devant ses appareils électroniques pour la session, les batteries du corps professoral se vident petit à petit. Entre les problèmes techniques et les classes surchargées, le trimestre d’automne s’annonce éprouvant pour le personnel de l’enseignement supérieur. 

« On a demandé d’alléger l’enseignement pour que les professeurs aient plus de temps à consacrer à la préparation de leurs cours et au suivi des étudiants », explique le président du Syndicat des professeurs et professeures de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ), Michel Lacroix. Il se dit déçu des refus de la direction de l’UQAM, qui estime que la charge de travail devrait être similaire depuis la venue des cours en ligne.

Il ajoute que le temps consacré à l’adaptation des cours virtuels est pourtant plus élevé que la préparation d’un cours en présentiel, si l’on compte l’enregistrement de capsules, l’apprentissage des plateformes et outils numériques, et les pépins techniques.

Les risques d’épuisement professionnel sont réels selon M. Lacroix, qui s’inquiète de la situation : « Avant la pandémie, en fonction des recherches qu’on avait effectuées sur le corps professoral de l’UQAM, [on avait découvert que] le taux de détresse psychologique élevée était à 47%. Je n’ose pas imaginer où il est rendu actuellement. »

Des professeur.e.s enseignant.e.s à bout de souffle

Les discours se ressemblent : l’anxiété dicte le rythme de la session. Le statut contractuel des professeurs et des professeures enseignant.e.s augmente la précarité de leur emploi et de leurs conditions de travail.

« J’avais obtenu trois cours, mais je n’en ai pris qu’un seul pour sauver ma peau », souligne une professeure enseignante en arts visuels et médiatiques qui désire rester anonyme par crainte d’avoir des problèmes avec son employeur. Cette femme passionnée par son métier, qu’elle exerce depuis près de 40 ans, se dit assez forte pour éviter un épuisement professionnel, mais elle a préféré jouer cartes sur table en réduisant sa charge de travail pour préserver sa santé. 

Elle lève néanmoins son chapeau au Carrefour technopédagogique de l’UQAM qui a su l’encadrer et répondre à ses mille et une questions durant l’été. Aujourd’hui, elle comptabilise plus de 300 heures non payées pour adapter son cours. 

Une homologue en sciences comptables qui enseigne depuis 38 ans se questionne plutôt sur le silence de l’administration. Elle ne comprend toujours pas pourquoi ses courriers restent sans réponse. Elle ne blâme personne, mais exige que son nom ne soit pas divulgué pour éviter les représailles. Selon elle, ces dernières sont monnaie courante pour les professeurs et les professeures enseignant.e.s qui s’exposent. 

Des groupes-cours limités 

Le Syndicat des professeures et professeurs enseignants de l’UQAM (SPPEUQAM) a demandé de plafonner à quarante le nombre  de personnes par classe afin de « favoriser la qualité de l’enseignement, améliorer l’encadrement et éviter le décrochage », précise le président du SPPEUQAM, Olivier Aubry.   

Néanmoins, les chiffres transmis par ce dernier attestent des classes virtuelles bien plus grandes. Les Départements de science politique, de sociologie et de communication sociale et publique auraient fait abstraction de cette limite dans, respectivement, 85%, 62% et 60% des cours qu’ils offrent. 

Les maigres ressources financières de l’Université, distribuées à chaque membre du corps enseignant, sont aussi jugées insuffisantes : « L’UQAM a autorisé un 300 $ cette année pour acheter du matériel mais avec 300 $, on ne va pas loin », affirme M. Aubry qui est aussi chargé de cours en sciences biologiques. Il ajoute qu’en additionnant le prix des appareils technologiques nécessaires à l’enseignement virtuel, cela dépasse largement le montant offert. 

Manifestation à la Place Pasteur

Le SPPEUQAM a organisé un rassemblement le mercredi 16 septembre pour témoigner des conditions de travail déplorables de ses membres syndiqués. Une trentaine de personnes se sont ralliées sur la Place Pasteur à Montréal.  

« La session a commencé depuis deux semaines dans les universités et, partout, nos syndicats nous disent qu’ils ont des cris de détresse de la part de leurs enseignants qui rencontrent toute sorte de problèmes et qui ont de la difficulté à voir comment ils vont se rendre jusqu’au mois de décembre », déplore la présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ), Caroline Quesnel, qui manifestait auprès des professeurs et des professeures enseignant.e.s. 

Le gouvernement a réagi trop tard, selon elle, puisque l’argent injecté dans le système de l’éducation ne s’est pas rendu aux mains des enseignants et des enseignantes. C’est à la fin du mois d’août que la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, a annoncé une aide supplémentaire de 75 M $ pour améliorer le soutien et l’encadrement de la communauté étudiante. 

Mme Quesnel considère que la prestation d’enseignement actuelle ne correspond pas à des cours en ligne en bonne et due forme, mais plutôt à une adaptation en « mode non présentiel » pour une situation exceptionnelle. Reste à savoir si le corps professoral de l’UQAM pourra tenir le coup durant une session, voire plusieurs.

Illustration Lila Maitre | Montréal Campus

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