La communauté étudiante du baccalauréat en études littéraires de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) soutient le nouveau visage du programme qui vise à s’inscrire dans un mouvement de représentation de la diversité culturelle. Une refonte en profondeur du cursus sera d’ailleurs effectuée dès l’automne 2020.
Dans son Rapport de la consultation sur le racisme systématique dans le milieu des arts, de la culture et des médias à Montréal publié en 2018, l’organisme Diversité artistique Montréal (DAM) recommandait que « les milieux artistiques, culturels et académiques s’engagent dans un travail de déconstruction de l’ethnocentrisme et de décolonisation ». L’ethnocentrisme est un concept qui désigne la tendance à favoriser son propre groupe éthique et à l’utiliser comme modèle surestimé.
Pour la professeure au Département d’études littéraires de l’UQAM, Véronique Cnockaert, le travail a déjà été entamé, puisque c’est un domaine « très militant », selon elle. La chargée de recherche chez DAM Alida Esmail explique d’ailleurs que l’une des stratégies pour parvenir à la déconstruction de l’ethnocentrisme et de la décolonisation est « de sensibiliser et d’outiller l’écosystème aux enjeux de la diversité ethnoculturelle », ce qui implique évidemment les établissements d’enseignement.
Une plus grande ouverture
Le baccalauréat en études littéraires de l’UQAM propose actuellement une formation axée sur l’analyse et l’interprétation de divers textes littéraires. Durant leur formation, les étudiants et les étudiantes sont amené(e)s à s’intéresser aux œuvres dans leur relation avec l’artiste et le lecteur ou la lectrice ainsi que dans leur rapport avec la langue, la société et l’histoire.
Le nouveau programme comporte une formation commune de huit cours obligatoires, dont des corpus québécois, français et étrangers. Quatre choix de profils distincts sont ensuite offerts à la communauté étudiante : Perspectives critiques, Études québécoises, Études culturelles et populaires ainsi que Création littéraire.
« Il y a une vraie volonté dans ce département [pour] que la diversité culturelle soit encore plus représentée », explique Mme Cnockaert. Elle mentionne que le baccalauréat en études littéraires n’avait pas été modifié depuis 2007. Désormais, le programme s’intéressera davantage à la littérature autochtone et à la littérature féministe, par exemple. « On y travaille, souligne la professeure. Il y a une conscientisation qui est faite depuis plusieurs années. »
« La culture populaire, c’est quand même fondamental parce que ce sont souvent des auteurs en marge qui sont étudiés », souligne Mme Cnockaert en ajoutant que l’UQAM est l’une des premières universités à offrir ce type de profil. Elle explique aussi que les enseignants et les enseignantes ont la liberté de choisir les œuvres qui seront à l’étude dans le cadre de leur cours.
Professeur au Département d’études littéraires, Antonio Dominguez Leiva explique que la déconstruction de l’ethnocentrisme se fait principalement en deux volets distincts. Le premier volet est l’ouverture sur les littératures du monde, qui peut être freinée par deux facteurs : les champs d’expertise du corps enseignant et les processus de traduction. « Peut-on s’improviser expert en littérature africaine ou en littérature néo-zélandaise? », demande le professeur, témoignant de la limite des aires d’expertise de chacun et chacune. Par ailleurs, « tout est assez limité par la capacité des étudiants à lire les textes traduits. On dépend de ce qui est traduit et à quel moment », ajoute-t-il.
Le deuxième volet concerne les minorités culturelles du Québec. « À l’intérieur de la littérature québécoise, c’est clair que depuis les années 80, il y a quand même beaucoup d’auteurs québécois issus de différentes origines, donc ça fait maintenant partie de la littérature québécoise », explique M. Dominguez Leiva. Il souligne que l’ouverture contemporaine permet plus de diversité à l’intérieur même des corpus axés sur la littérature québécoise.
Une communauté étudiante engagée
L’étudiante au baccalauréat en études littéraires Daphnée Domingue confirme qu’il s’agit d’une préoccupation pour elle et ses camarades de classe. La jeune femme estime que les étudiants et les étudiantes ne sont pas tous entièrement satisfait(e)s des représentations des minorités culturelles dans le cursus. « Surtout en début de session, quand on fait l’étude du plan de cours, il y a beaucoup d’étudiants qui commentent le fait qu’il n’y a pas de minorités culturelles incluses », raconte-t-elle.
L’étudiante souligne tout de même que les professeurs et les professeures tiennent souvent à faire une sorte d’avis de non-responsabilité, c’est-à-dire qu’ils et elles justifient le manque de diversité par les contraintes liées aux sujets étudiés.
L’étudiante explique aussi que, selon le cheminement choisi par les élèves, le niveau de diversité culturelle dans les oeuvres étudiées peut varier. Elle mentionne par exemple que certains cours du profil Perspectives critiques sont très ethnocentristes, mais que les cours de féminisme en littérature présentent une très grande variété culturelle.
Selon elle, il serait pertinent de mettre de l’avant les cours plus diversifiés qui sont offerts, mais qui ne font pas partie des cours obligatoires. « Il y a une section de littérature étrangère, ça serait intéressant de plus en parler de ces cours-là, parce qu’on ne les connaît pas tous et qu’ils sont affichés en dernier dans le descriptif », explique-t-elle.
« C’est un travail qui doit être fait tout le temps et dans cinq ans, les questions seront encore à se poser », concède Mme Cnockaert. Elle est tout de même convaincue que la réforme du programme, qui sera appliquée dès septembre, démontre l’importance de la diversité culturelle pour le Département. « Je crois que ça bouge beaucoup, et la refonte le présente justement », affirme-t-elle.
Cet article devait paraître dans l’édition papier du printemps 2020 qui a été annulée en raison de la COVID-19.
Crédit photo Kimberly Farmer | Unsplash
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