Mission UQAM à Karnak : pour reconstruire l’histoire

Décorée d’une centaine de colonnes titanesques couvertes de gravures datant d’il y a plus de 3000 ans, la salle hypostyle du temple d’Amon-Rê dans le sanctuaire de Karnak du sud de l’Égypte est l’objet d’une étude menée conjointement par l’UQAM et l’université de Memphis, qui a été présentée jeudi dernier dans le cadre du premier 5 à 7 de la faculté des sciences humaines de l’UQAM.

« C’est vraiment grandiose comme salle, et c’est un bureau de travail incroyable », témoigne Cloé Caron, doctorante au département d’histoire et participante depuis 2013 à l’étude visant à faire le relevé complet de la salle.

Karnak est un vaste sanctuaire appartenant au patrimoine mondial de l’UNESCO et l’un des lieux les plus touristiques d’Égypte. Consacré notamment au dieu Amon qui domine le panthéon égyptien, il s’agit de l’ensemble religieux le plus grand de toute l’Antiquité.

La salle hypostyle, située au centre du complexe, est une véritable « forêt de pierre ». Elle est composée de 134 colonnes de 13 à 20 mètres de hauteur, soit environ cinq étages. Chacune de ces colonnes est gravée de bas en haut, ce qui les démarque du reste des civilisations de l’Antiquité. « La salle hypostyle est la mieux préservée de toute l’Égypte et le temple de Karnak est certainement le temple le plus important d’Égypte », explique Jean Revez, chercheur principal et professeur d’histoire à l’UQAM, spécialisé en égyptologie. Il ajoute que tous les pharaons ont contribué à la construction ou à la décoration du sanctuaire de Karnak, entre 1300 et 1150 av. J.-C.

La technologie au service de la recherche

Considérant l’importance du complexe, il est étonnant qu’aucun relevé complet n’ait été fait à ce jour. La hauteur et l’inaccessibilité des colonnes alliée à leurs formes expliquent les lacunes dans la documentation de celles-ci. « C’est sûr que quantité de chercheurs se sont intéressés à ces colonnes et ont publié déjà certaines des inscriptions, mais ils s’y intéressaient de manière ponctuelle », explique M. Revez.

De plus, la forme cylindrique des colonnes complexifie la tâche, par comparaison aux murs gravés qui, eux, sont plats. Les dernières années ont connu des avancées technologiques importantes devenues indispensables au travail des chercheurs et des chercheuses, par exemple la photogrammétrie, qui consiste à recréer des scènes numériquement à partir de photographies.

Concrètement, plus d’une centaine de photos par colonne sont prises de différents angles. Puis, à l’aide d’un logiciel nommé Agisoft, les étudiants et les étudiantes les superposent pour former des modèles 3D de chaque colonne, inscriptions incluses. Une dernière étape consiste à créer un déroulé de chaque colonne à l’aide d’un autre logiciel – Cumulus – créé spécifiquement pour le projet.

Le résultat : un relevé complet des signes hiéroglyphiques de la salle hypostyle. « Je pense qu’ultimement, le fait de publier nos résultats va permettre d’engendrer d’autres études », explique Cloé Caron. Le but, c’est de « livrer la matière brute afin que les autres puissent y travailler aussi », ajoute M. Revez.  

Explorer l’Égypte et reconstruire l’histoire

Depuis leur retour du terrain de recherche, les étudiants et les étudiantes travaillent activement à préparer les relevés numériques de ce qu’ils ont vu sur place. « Moi, je suis allé là comme un livre ouvert », s’exclame Vincent Labelle, un étudiant à la maîtrise qui rêve de l’Égypte depuis l’époque où il construisait des pyramides en Lego et regardait Indiana Jones. « Avoir la chance de lire des hiéroglyphes directement sur les colonnes plutôt que dans mes livres d’école, c’est indescriptible », ajoute-t-il en fin de conférence.

La suite de l’étude, si les subventions le permettent, consisterait à reconstruire physiquement à partir de blocs épars, deux des colonnes effondrées en 1899. Un casse-tête complexe sur lequel se penche déjà l’équipe de Jean Revez. Car entre le sable du désert et leur écran d’ordinateur, les étudiants et les étudiantes participant au projet ne semblent pas avoir perdu leur passion : mieux comprendre une civilisation qui n’a pas encore révélé tous ses secrets.

Photo fournie par Jean Revez

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