Le stakeboard roule jusqu’à Tokyo

Ce texte est paru dans l’édition papier du 4 décembre 2019

En 2020, près de 70 ans après son invention, le skateboard fera son entrée aux Jeux olympiques de Tokyo. Sans garantie d’un retour lors des prochaines éditions, le sport sera tout de même au banc d’essai lors de la compétition officielle.

« Le skate vient de la rue et d’une sous-culture réfractaire à la commercialisation », pense la championne canadienne de street skateboard, Annie Guglia. Souvent mal perçu(e)s par les athlètes d’autres disciplines sportives, ce n’est que récemment que les planchistes ont pu se tailler une image plus positive dans le monde du sport professionnel.

C’est pourquoi, lors de l’annonce de l’ajout de ce sport extrême comme discipline olympique en 2016, une partie de la communauté du skate était réticente, affirme le planchiste Philippe Dulude.

« C’est un sport qui n’a pas de règles. Personne ne te dit quoi faire ni comment le faire. […] Le skateboard mérite d’être aux Olympiques, parce que c’est un sport difficile que peu de gens maîtrisent », ajoute-t-il.

Annie Guglia explique que la reconnaissance de la planche à roulettes par le milieu olympique a contribué en grande partie à l’essor du sport aujourd’hui. Elle a permis notamment d’avoir plus de possibilités pour les femmes, plus de visibilité et plus de programmes d’initiation à ce sport dans les villes.

L’expert du skateboard et entraîneur principal de l’équipe Nike Skateboarding, Benjamin Wixon, vient toutefois nuancer ce propos. Selon lui, les Jeux olympiques ont plus besoin du skateboard que l’inverse. Le sport a déjà tellement d’adeptes dans le monde que l’impact de son entrée aux Jeux d’été sera modéré et ne lui fera pas gagner beaucoup plus de partisans et partisanes.

Or, M. Wixon avoue que le sport a gagné en crédibilité depuis son entrée officielle à cette compétition internationale.

« Je crois que pour les gens qui ne font pas partie de la communauté du skateboard, il y a encore beaucoup de fausses idées et un manque de crédibilité envers les planchistes professionnels », reconnaît l’expert. Selon lui, un changement rapide de mentalité s’est effectué depuis l’annonce et les gens commencent à adopter l’idée de pouvoir skater pour gagner leur vie.

Au commencement

C’est dans les alentours des années 1950 que le skateboard voit le jour. Des surfeurs et surfeuses de la côte ouest américaine, fatigué(e)s d’attendre la venue des vagues pour pratiquer leur sport, ont décidé de fixer des roues à une planche de surf pour pouvoir s’entraîner les jours où l’océan était moins clément.

De fil en aiguille, cette pratique s’est surtout répandue auprès de la jeune génération, qui se l’est appropriée au tournant des années 80 et 90. « Depuis, le skateboard fait partie intégrante de la culture de la rue », explique Annie Guglia.

L’entraîneur de l’équipe canadienne de skateboard, Adam Higgins, est d’avis que l’avènement du sport aux Jeux olympiques a aussi influencé les compétitions de skateboard.

« Étant donné la structure des qualifications, les compétitions sont beaucoup plus inclusives, précise-t-il. Il y a des épreuves pour les femmes à toutes les compétitions qui sont maintenant ouvertes à tous les skaters et non seulement aux athlètes professionnels. »

Reste qu’il est difficile pour un panel d’experts et d’expertes de juger un sport comme le skateboard. Philippe Dulude, qui aspire à se qualifier aux Jeux olympiques de 2024, indique que le tout est basé sur un système de pointage. Sur les quelque 50 compétitions disputées à l’international au cours de l’année, il est seulement possible de récolter des points pour se classer aux Jeux olympiques dans environ dix d’entre elles.

Tout pour gagner

C’est la fédération mondiale World Skate, basée en Suisse, qui chapeaute les compétitions d’envergure internationale et les qualifications en vue des Jeux olympiques. « Les athlètes seront évalués […] tout au long de leur performance, explique la chargée de communications chez World Skate, Simona Mercuri. Le skateboard est un sport unique dans la manière dont les athlètes performent. Ce n’est pas seulement des figures et une routine, mais aussi un style et de l’interprétation. »

À Tokyo, la rampe, un parcours parsemé de courbes, et la street, un parcours qui ressemble plutôt à une rue, seront les deux épreuves non-mixtes auxquelles les hommes et les femmes pourront participer. Chacune des épreuves regroupera 20 planchistes  divisé(e)s en vagues de cinq, et huit de ces athlètes ayant obtenu le plus haut pointage passeront en finale.

Dans l’épreuve de street, les athlètes auront un parcours composé, entre autres, d’escaliers, de mains courantes, l’élément sur lequel il est possible de s’appuyer en montant ou descendant des escaliers, de bancs et de plusieurs autres obstacles. Toutes et tous devront démontrer leur habileté à traverser le circuit. Pour l’épreuve de la rampe, il s’agira plutôt de traverser un parcours « creusé » rempli de courbes complexes et très inclinées.

Les plus gros compétiteurs pour le Canada sont les États-Unis, principalement la Californie, d’où proviennent certains et certaines des meilleur(e)s athlètes. Le Canada espère être bien représenté aux épreuves, explique Adam Higgins, qui affirme aussi que l’objectif premier de Canada Skateboard est de « mettre le talent d’ici » en avant-plan. « Il faut évidemment se qualifier pour des épreuves, mais surtout avoir des athlètes dans le top huit. Remporter une médaille serait un accomplissement incroyable, et je crois que ce serait possible avec le talent de nos athlètes », dit l’entraîneur.

Mais avant d’atteindre ce haut niveau, les athlètes doivent suivre un entraînement rigoureux. « Tout le monde peut faire du skate, mais le skate n’est pas pour tout le monde, affirme Annie Guglia. C’est un sport difficile qui nécessite beaucoup de volonté, de rigueur, de persévérance, de focus et de témérité. »

Pour Adam Higgins, il est évident que les athlètes au sommet du palmarès mondial se pratiquent tous et toutes cinq à six fois par semaine, et ce, pour au moins trois heures par séance.

En raison des chutes et des blessures, les athlètes doivent toutefois faire attention à leur temps de récupération, selon lui. Plusieurs planchistes adoptent aussi un programme d’entraînement pour améliorer leur force et leur stabilité afin de réduire les risques de blessures graves.

Conscient de cette réalité, Philippe Dulude avoue qu’il devrait commencer à s’entraîner plus sérieusement. « Si je veux toujours faire du skate à 45 ans, je n’ai pas vraiment le choix de m’y mettre », s’exclame-t-il en rigolant.

Avec Marie-Ève Buisson et Éliane Gosselin

 

Photos | William d’Avignon MONTRÉAL CAMPUS

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