Le droit de manifester toujours en péril, selon la Ligue des droits et libertés

Malgré l’abrogation en décembre dernier du règlement municipal P-6, qui resserrait la réglementation entourant les manifestations à Montréal, l’exercice du droit de manifester au Québec se heurte toujours à plusieurs obstacles. 

C’est le message d’alerte qu’a lancé la Ligue des droits et libertés (LDL), mardi soir, à l’occasion du lancement de son guide Le droit de manifester au Québec. Les règlements municipaux sous la loupe! 

Petit manuel du manifestant et de la manifestante, le document analyse les principales entraves au droit de manifester contenues dans les règlements municipaux au Québec et dans les directives d’application de ceux-ci.  Parmi celles-ci, on y retrouve l’obligation de fournir l’itinéraire de la manifestation, l’interdiction de gêner la circulation et de tenir des propos injurieux ou violents. 

« Le but de ce guide, c’est que les militants puissent analyser leur situation et développer un argumentaire pour contester la légalité de ces dispositions », a déclaré la coordinatrice de la LDL, Ève-Marie Lacasse, devant un public attentif. 

Ces dispositions, la LDL les qualifie d’anticonstitutionnelles, puisqu’elles contreviendraient à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit aux citoyens et citoyennes la liberté de réunion pacifique, d’association, d’opinion et d’expression. 

La professeure en sciences juridiques à l’Université du Québec à Montréal et principale autrice du guide, Lucie Lemonde, accuse ces règlements d’être servis à des fins de répression politique en plus de violer un droit constitutionnel.

 

« Il y a un lien direct entre l’application des règlements et le type de manifestation. Au Québec, les policiers tolèrent des tonnes de manifestations sans itinéraire. Mais dès qu’il s’agit de manifestations étudiantes, contre la brutalité policière ou anti-capitalistes, bref dès qu’il s’agit de manifestations politiques, on voit énormément de répression. »



Un pas en avant

Adopté durant le printemps érable de 2012 par le gouvernement libéral de Jean Charest, le controversé règlement P-6 obligeait les manifestants et les manifestantes à fournir leur itinéraire et leur interdisait le port du masque. 

Selon la LDL, des milliers de personnes ont été arrêtées en vertu de P-6 entre 2012 et 2015. Bien qu’elle y travaillait depuis plusieurs années déjà, l’organisation a dû attendre jusqu’en décembre dernier pour célébrer l’abrogation officielle du règlement. Il s’agit d’un pas de géant dans la lutte à la liberté d’expression, explique Mme Lemonde. « Depuis la crise étudiante, il n’y a plus eu d’arrestations de masse au Québec », se réjouit-elle. 

Mais la bataille ne semble pas gagnée. Les manifestations de masse passées et la brutalité policière ont marqué les Québécois et les Québécoises. Pour qu’ils et elles regagnent les rues en toute confiance, la LDL exhorte une « revalorisation de l’exercice du droit de manifester collectivement ». Avec la montée de la désobéissance civile et des manifestations à la sauce d’Extinction Rebellion, Mme Lemonde juge le guide Le droit de manifester au Québec plus pertinent que jamais. « Il est temps pour la population québécoise de regagner confiance en ses droits. »

Photo WILLIAM DAVIGNON MONTRÉAL CAMPUS

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