Les 12 travaux de Lary Kidd

Avec son deuxième album, Lary Kidd entraîne son public dans une série de montagnes russes exaltantes. Durant les 37 minutes passées tel un coup de vent, le rappeur jongle entre glorification de l’hédonisme et lucidité critique face aux plaisirs faciles. 

Tel l’Hercule qu’il décrit en début de projet, le vétéran Lary Kidd utilise sa plume aiguisée pour signer douze chansons éclectiques, tant dans leurs thèmes que leurs ambiances. « Mes chansons portent très rarement juste sur une affaire. Je dis plein de conneries, mais y’aura toujours de petits commentaires cyniques, mélancoliques », explique Laurent Fortier vrai nom du rappeur – en entrevue avec le Montréal Campus. Ces passages répétés du coq à l’âne auraient pu faire souffrir l’album d’un manque de cohérence, mais il n’en est rien. Il en transpire plutôt une profonde humanité, l’artiste plongeant le public à fond dans les diverses facettes et contradictions de sa personnalité. Comme quoi mégalomanie et dégoût de soi nichent souvent sous un même toit. 

Dès les premières secondes de l’album, le ton est donné. « Une avalanche de coke cheap du fin fond de St-Jérôme / Quelques lignes en vingt secondes / Les jeunes subissent la fin du monde. » Durant les deux minutes dix-sept de l’introduction, Surhomme, les punchlines du genre abondent, le tout sur un instrumental criant etprovoquant. Ceux et celles qui se seraient inquiété(e)s d’une dénaturation à des fins commerciales sont rassuré(e)s. 

Tantôt vantard à l’extrême, tantôt dépressif, « Laurent le premier » est toujours brutalement honnête. « Ça me ground, de rapper à propos d’un certain lifestyle, mais de toujours tirer le rideau, de montrer que je souffre, que nous souffrons tous. C’est un peu mon approche », indique-t-il. 

Meilleur exemple de ce témoignage : la dichotomie entre Mal-élevé et Lifestyle. Dans la première, le MC pousse la vantardise à un niveau frisant le ridicule. Pourtant, le rappeur se répond quelques chansons plus loin, se désolant des valeurs capitalistes qui lui ont été enfoncées « jusque dans l’oesophage ». À choisir entre le bonheur et l’argent, Lary Kidd rappe d’un ton catégorique : « J’serai toujours le premier à crier que j’en veux plus de cash, mais si ça vient avec des problèmes j’le retourne sur la table. » 

Changer de forme

De son époque, l’album propose des chansons très courtes, les plus longues d’entre elles dépassant à peine la barre des trois minutes. Le rappeur avoue avoir relevé ce nouveau défi avec plaisir. « Pour notre génération, il faut que ça aille vite. D’où je viens, faire des verses de deux minutes et demie c’est chose commune. Là maintenant, il faut faire rentrer deux verses et deux refrains. Ça rend le truc plus bref, plus fort, plus concis. » 

Encore une fois, ce sont les collaborateurs de longue date Ruffsound et Ajust qui signent la production. Ayant exploré des avenues plus pop sur Tout ça pour ça, dernier album de Loud, l’explosif duo revient à des beats diversifiés, évolutifs, mais toujours foncièrement hip-hop. « Ça commence toujours par Ruffsound Ajust, ça finit toujours par Ruffsound Ajust », explique Lary Kidd, ajoutant que d’autres producteurs ont contribué au projet, soit Realmind avec certaines mélodies, ou Kable Beatz sur Hercule, notamment. 

Véritable caméléon, le Kidd prend la couleur des trois invités du projet. Sur Coupe-vent Columbia, avec 20some (Dead Obies), la production à l’ancienne s’agence à la nostalgie des deux hommes. « Le beat m’a tout de suite inspiré l’époque où on faisait des graffitis et qu’on volait des bières dans les dépanneurs. Ça faisait longtemps que 20 voulait parler de cette era-là », explique avec recul le rappeur cumulant plus d’une dizaine d’années d’expérience derrière le micro. 

Soucoupe-volante, réalisée avec Tizzo, son ami d’enfance, est un banger n’ayant rien à envier au trap d’Atlanta. Le refrain bourré d’énergie, clairement influencé par le flow rapide caractéristique du groupe américain Migos, est une dose d’énergie injectée entre la mélancolique Barcelone et l’histoire touchante racontée dans Miroir-miroir. 

Sur Sac de sport, avec Loud, les deux rappeurs du défunt groupe Loud Lary Ajust prouvent qu’ils n’ont pas perdu la chimie leur ayant permis de marquer l’imaginaire hip-hop montréalais entre 2012 et 2016. Flottant avec aisance sur une production aérée, ils célèbrent leur succès mutuel, le sourire aux lèvres. 

Histoires et utopies, dernier morceau de l’album, résume parfaitement le cheminement de l’artiste maintenant trentenaire. Extériorisant sa relation compliquée avec les tentations de la métropole, il supplie Montréal de ne pas « trop lui faire mal ce soir ».

C’est cette conscience à mi-chemin entre les plaisirs périssables et le détachement qui donne au projet tout son sens. Grâce au discernement qu’il a su acquérir au fil de ses expériences, Lary Kidd vient de pondre le meilleur album rap québécois de l’année. 

Surhomme, sous l’étiquette Coyote Records, est disponible partout depuis le premier novembre. Le lancement officiel se fera le 13 novembre au centre en art actuel Le Lieu à Québec et le 15 novembre aux Foufounes électriques à Montréal.

photo: WILLIAM DAVIGNON MONTRÉAL CAMPUS

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