Élections fédérales 2019 : les enjeux féministes, le parent pauvre

35 ans après le dernier débat des chefs portant sur la condition féminine, les femmes et les membres des communautés LGBTQ+ à travers le Canada sont toujours confronté(e)s à une multitude d’obstacles au quotidien. Pourtant, alors que la population canadienne entre en campagne électorale, différents organismes sont insatisfaits de l’importance accordée aux enjeux féministes .

Le 17 septembre dernier, les membres de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) ont envoyé une liste de quatre questions aux différents partis politiques, afin d’éclairer la position de chacun sur les enjeux touchant plus spécifiquement les femmes et les minorités. Dans cette liste, la FFQ se questionne sur la collaboration éventuelle des élus et élues et des organismes féministes de terrain, le droit à l’avortement, la laïcité et la loi 21 et les changements climatiques. Au moment d’écrire ces lignes, la FFQ attend toujours des réponses de la part des partis. 

La présidente de la FFQ, Gabrielle Bouchard, s’attend à obtenir des réponses des partis, entre autres du Parti vert et du Parti libéral du Canada. En revanche, elle ne s’attend pas à avoir de retour de la part du Parti populaire de Maxime Bernier. 

Une alliance pancanadienne d’organismes féministes a également mis en place la campagne Place au débat 2019, afin d’inviter tous les chefs des partis à s’engager à participer à un débat national télévisé afin de faire valoir leur position concernant les droits des femmes et l’égalité des genres. Selon les informations qui se trouvent sur le site internet de YMCA Canada, seuls les chefs du Nouveau Parti démocratique (NPD) et du Parti vert s’y sont engagés. L’alliance espère des réponses des autres partis. 

L’important, c’est de gagner 

Pour Mme Bouchard, le manque d’enthousiasme des chefs concernant les invitations envoyées est facilement explicable.

« Quand on aborde les enjeux à partir d’une lentille féministe, on doit [garder en tête] tout le chemin qu’il reste à faire, affirme la présidente de la FFQ. On se doit de parler des failles du système de justice, de la violence conjugale, des viols dans l’armée, du système carcéral. C’est très inconfortable. » 

De son côté, la professeure en science politique et membre de l’Institut de recherches et d’études féministe, Allison Harell, explique l’absence de débat sur les enjeux féminins par le haut risque que cela représente pour certains partis, surtout pour les formations politiques associés à la droite. Selon elle, il est plus avantageux de débattre des problématiques qui les mettent en valeur, comme l’économie.

Pas de débat à avoir sur le droit des femmes

En entrevue avec le Montréal Campus, la députée du Parti libéral dans Outremont, Rachel Bendayan, reconnaît l’importance des débats télévisés pour les électeurs. Lors de ses portes-à-portes, la plupart des personnes rencontrées dans sa circonscription lui confirment qu’elles regarderont les débats des chefs. Cependant, Mme Bendayan ne voit pas l’importance de mettre les enjeux féministes sur la table. Selon elle, c’est aux journalistes de poser des questions afin de faire la lumière sur les intentions des partis et aux politiciens d’énoncer leurs propositions clairement. 

« Je suis un peu déçue de la couverture médiatique des enjeux que je trouve prioritaires et que les Québécois et Québécoises trouvent prioritaires, dont les enjeux féministes », explique la députée libérale. »

La politicienne, qui est avocate de profession, affirme que la question spécifique du droit des femmes ne devrait plus être d’actualité. Selon elle, le sujet refait surface en raison de l’association de certains candidats du Parti conservateur avec des organismes militants contre le droit des femmes. 

L’après-campagne

Selon Gabrielle Bouchard, ce qui compte le plus reste tout de même le travail effectué, une fois le parti élu. « La campagne électorale est un moment où l’on fait la cour à l’électorat, affirme-t-elle. On annonce des intentions, mais on ne gouverne pas. Les vrais moments importants ne sont pas en campagne électorale, mais plutôt lorsque le parti travaille à gouverner. » 

Au cours du premier mandat de Justin Trudeau, la présidente de la FFQ a constaté une amélioration du devoir de consultation auprès des organisations féministes, contrairement à l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper. Elle souligne notamment la mise sur pied de délégations telles le Comité consultatif sur le Cadre pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe dans les établissements d’enseignement postsecondaire ainsi que la création d’un ministère des Femmes et de l’égalité des genres. Il reste cependant encore « beaucoup » de travail au niveau de l’application de certaines recommandations, souligne-t-elle. 

Une justice reproductive pour tous

Depuis le début de la campagne électorale, il règne une certaine crainte autour de la question du droit à l’avortement, si un parti de droite comme le Parti conservateur ou le Parti populaire du Canada était élu. 

L’enjeu est beaucoup plus grand que le droit de se faire avorter, souligne Mme Bouchard. Selon elle, il ne s’agit pas seulement de débattre sur ce droit, mais de l’ensemble des enjeux que compose la façon dont une femme dispose de son corps. Elle insiste sur le manque d’accessibilité à l’avortement dans plusieurs régions du Québec et dans certaines provinces du Canada qui demeure encore un enjeu important.

photos: FÉLIX LEBEL MONTRÉAL CAMPUS

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