L’éclectique « gothique-exotique »

Designer de mode inspiré par le monde underground, professeur au Collège LaSalle et diplômé du programme de gestion et design de mode de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Markantoine Lynch-Boisvert juxtapose le sombre et le lumineux pour créer une esthétique vestimentaire relevant des sous-cultures.  

Niché entre la Pataterie Chez Philippe et une petite tour à condos moderne de la rue Amherst, l’atelier exiguë de Markantoine Lynch-Boisvert bourdonne de travail.

ll s’affaire, avec son chef d’atelier, aux derniers préparatifs en vue de la 11e édition du Fashion Preview. Présenté à la mi-mars, cet événement annuel vise à augmenter la visibilité accordée à la mode montréalaise.

En plus de peaufiner les derniers détails de sa neuvième collection, qu’il a présentée à la Société des arts technologiques aux côtés du célèbre designer Denis Gagnon lors du Fashion Preview, le créateur montréalais enseigne la mode au Collège LaSalle.

Comparativement à d’autres formes d’art, la création de mode ne se classe pas pour obtenir des subventions publiques au Canada.

« J’ai de moins en moins de temps à passer en atelier. Si je pouvais avoir plus de monde qui travaille avec moi et ne plus avoir à gérer l’atelier et les vêtements, mais uniquement le design et la création, ça m’aiderait beaucoup », reconnaît le jeune créateur de 29 ans.

Il se désole que le Conseil des arts du Canada et le Conseil des arts et des lettres du Québec ne reconnaissent pas la mode « comme une forme d’expression artistique ».

Markantoine Lynch-Boisvert critique cette absence de considération de la part du gouvernement. L’artiste est lui-même l’un des créateurs et des créatrices mis de l’avant par le Musée des beaux-arts de Montréal dans le cadre de l’exposition Montréal Couture. Présentée en parallèle avec la rétrospective du couturier Thierry Mugler, elle rend hommage aux talents créatifs du Québec.

« Pourquoi être exposé au Musée des beaux-arts si je ne suis pas reconnu comme [quelqu’un faisant] de l’art ? », souligne-t-il ironiquement.

Markantoine Lynch-Boisvert a d’ailleurs publié à la mi-mars un manifeste sur les réseaux sociaux afin d’éveiller les consciences sur le sous-financement de la mode.

Au Québec, la culture populaire peut parfois marginaliser les sous-cultures. C’est précisément cette tendance qu’analyse le cours Psychosociologie de la mode et du vêtement, enseigné par Liza Petiteau, chargée de cours à l’UQAM depuis 2011.

Des créations en vogue

Touchée par le fait que le créateur ait été marqué par son enseignement, Mme Petiteau trace plusieurs parallèles entre les thèmes abordés dans son cours et l’œuvre du designer. « Je sais que Markantoine avait beaucoup d’intérêt pour les cours qui portaient sur les sous-cultures. […] C’est quelque chose que l’on retrouve dans son travail », explique-t-elle.

Le cours, encore enseigné à l’École supérieure de mode de l’UQAM, aborde notamment les normes en société ainsi que les mouvements anticonformistes.

Liza Petiteau reconnaît les liens entre les créations de Markantoine Lynch-Boisvert et ce qui l’intéressait en classe. « On étudie beaucoup les signes d’identité : tout ce qui est tatouages, marques corporelles, piercings, etc. [Il s’agit de] signatures de soi, pour s’exprimer ou créer son image. Ces dimensions undergrounds, ça a dû plaire à Markantoine », résume-t-elle.

Ce point de vue créatif est partagé par l’actrice Catherine Brunet, qui collabore avec l’artiste depuis quelques années. « Mark m’a redonné le goût d’avoir du plaisir avec mes vêtements, de créer un personnage avec les vêtements. On s’amuse beaucoup ensemble. Il sait que je suis partante de porter des trucs un peu plus wild », confie son amie, qui a notamment porté ses créations lors des Galas des prix Gémeaux des dernières années.

La richesse des créations

de Markantoine Lynch-Boisvert réside en la juxtaposition qu’il crée entre le noir et les couleurs vives. Un voyage aux États-Unis lui a permis d’apposer une signature sur son œuvre. « J’utilise toujours deux extrêmes dans ce que je fais. Un jour, j’étais en Nouvelle-Orléans et j’ai dit : “cette ville est vraiment gothique-exotique” », raconte-t-il. Dès lors, ce terme lui est collé à la peau.

Se décrivant lui-même comme une « grande gueule », Markantoine met en scène des éléments qui peuvent en apparence n’avoir aucun lien entre eux. Il ne faut donc pas être surpris qu’au courant de la prochaine année, son nom devienne associé à une grande chaîne de vêtements québécois…

photo : LUDOVIC THÉBERGE MONTRÉAL CAMPUS

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