Recherche de l’ambiance désirée, choix des lampes les plus adéquates, direction d’une équipe technique : être concepteur ou conceptrice d’éclairage dans le milieu de la scène est un art à part entière, mais le métier demeure une profession dans l’ombre.
Bien plus que de simples faisceaux lumineux, l’éclairage, au théâtre, en danse ou au cirque, permet de transporter les spectateurs et les spectatrices plus loin dans l’expérience vécue.
Guillaume Houët, concepteur d’éclairage depuis près de 15 ans, considère que le défi des éclairagistes est de savoir doser la lumière pour révéler les moments charnières. « Mon réflexe est toujours de révéler les corps sans en mettre trop », explique l’Outaouaisien qui travaille autant en danse qu’au théâtre pour des pièces comme M.I.L.F. ou Le dire de Di.
Le meilleur moyen d’apprendre ce métier est de « mettre la main dans la lumière », parfois sous la supervision d’un mentor ou d’une mentore, estime le concepteur d’éclairage et chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal Alexandre Pilon-Guay. Il croit que le meilleur éclairage est celui que le public ne « sent pas ».
Bien qu’il existe des cours spécialisés en éclairage, ceux-ci s’inscrivent souvent dans le cadre d’un programme plus vaste, notamment en théâtre. Se dédier entièrement à l’apprentissage de techniques d’éclairage peut donc être plus difficile pour les étudiants et les étudiantes.
Alexandre Pilon-Guay, qui se considère autodidacte, pense que la supervision d’un parrain ou d’une marraine accélère l’apprentissage, même s’il n’a pas eu la chance de recevoir ce type de formation.
Curiosité, écoute, minutie, patience : les concepteurs et les conceptrices d’éclairage doivent développer plusieurs qualités afin de livrer un produit réussi à temps.
Dans le milieu artistique, les budgets limités restreignent souvent le temps de production. Les éclairagistes doivent donc développer des techniques pour travailler rapidement, s’entendent les concepteurs Guillaume Houët et Alexandre Pilon-Guay.
« Il faut trouver des adjectifs pour parler de la lumière correctement et utiliser les bons mots pour que la position par rapport à la conception soit la bonne », souligne M. Pilon-Guay.
L’histoire derrière la lumière
Rodolphe St-Arneault, éclairagiste depuis huit ans, s’intéresse aux codes culturels et à l’histoire liés aux couleurs et aux types d’éclairage.« Quand j’ai travaillé pour le cirque Kalabante, qui venait d’Afrique, il y avait des scènes qui parlaient de la mort et je me suis intéressé aux codes de couleurs de la culture africaine, raconte-t-il. La couleur qui était beaucoup utilisée pour parler de la mort, surtout en Guinée, c’était le bleu, et non le noir, comme ici. »
Il existe autant de manières de travailler la lumière qu’il existe de concepteurs et de conceptrices d’éclairage. « C’est le son qui va orienter mon travail », explique Guillaume Houët, qui s’assure d’écouter la bande sonore du spectacle avant de débuter son travail.
Ces artistes ont bien souvent un style singulier qu’ils et elles développent d’année en année au gré des nouveaux défis. Reproduire la lumière naturelle est d’ailleurs le style de prédilection de M. Houët.
Différentes demandes
Les disciplines artistiques telles que le cirque ou le théâtre ne requièrent pas nécessairement l’usage des mêmes techniques.
Au cirque, par exemple, Rodolphe St-Arneault s’assure de discuter avec les artistes pour connaître leurs préférences en termes de couleurs. « Un jongleur n’aimera pas être éclairé de la même manière que quelqu’un qui fait de la roue Cyr », dit-il.
L’exercice de ce métier demande une sensibilité quant à la manière dont la lumière affecte l’environnement. « Quand je me promène dans la rue, je regarde les lampadaires, les ombres que ça crée, raconte Rodolphe St-Arneault. Je suis toujours en train de regarder comment la lumière réagit autour de moi. »
Artistes à part entière, les éclairagistes n’ont pourtant pas de distinctions spécifiques qui récompensent leur travail au Québec.
Si, autrefois, la Soirée des Masques permettait à certains et certaines éclairagistes et autres artisans et artisanes de la scène théâtrale de se démarquer, elle a disparu en 2008.
Au Canada, il existe le prestigieux prix Siminovitch, qui souligne « l’excellence et l’innovation » au théâtre, qui n’a pourtant été remporté qu’une fois par un concepteur lumière, soit Robert Thomson, en 2012.
« C’est dommage », affirme Alexandre Pilon-Guay. Toutefois il ne croit pas que l’essence du métier consiste à courir après les prix, mais plutôt à obtenir la reconnaissance qu’il mérite.
photo: SARAH XENOS MONTRÉAL CAMPUS
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