Le rideau se ferme sur la plus grande salle de l’École supérieure de théâtre

Dès le 1er mai prochain, l’École supérieure de théâtre (ÉST) de l’UQAM perdra la salle Marie-Gérin-Lajoie, la plus grande salle de spectacle de l’Université. Alors que débuteront les travaux afin de convertir la salle en studio de cinéma, une solution de remplacement se fait toujours attendre.

L’ÉST et l’administration de l’UQAM se trouvent toujours dans l’impasse quant aux solutions pour remplacer la salle Marie-Gérin-Lajoie. Selon ce qu’indique une pétition lancée par certains et certaines membres de l’École, plus de 70 % de ses revenus proviennent de la location de cette salle.

Les studios Alfred-Laliberté et Claude-Gauvreau seront les deux salles restantes pour servir à l’enseignement, aux répétitions et à la construction de décors des dix programmes de théâtre.

« On ne peut pas tenir nos activités seulement dans deux théâtres. On doit les tenir dans trois théâtres en simultané parce qu’on diffuse environ 20 spectacles par année », estime la directrice des programmes de 1er cycle de l’ÉST, Nancy Bussière. En comparaison, un théâtre professionnel en diffuse environ cinq sur la même période.

Le directeur de l’ÉST, Yves Jubinville, évalue qu’environ 300 étudiants et étudiantes performent sur les planches de l’École. « Si on n’a pas de solution, on va subir la réaction qu’auront nos étudiants », déplore-t-il, ajoutant qu’il craint d’offrir un service de moins bonne qualité et que les cours soient désertés.

« C’est vraiment inquiétant. On va aller où ? », se demande la représentante de l’Association des étudiants de la maîtrise en théâtre Justine Bernier-Blanchette.

« Je voulais faire ma maîtrise en deux ans et demi. [À présent], je me dis qu’avec une salle en moins, je vais prévoir la faire en trois ans, parce qu’il y a moins d’espace pour les productions et les laboratoires », partage l’étudiante en théâtre.

Justine Bernier-Blanchette perdra également son emploi de placière, en raison de la fermeture de la salle Marie-Gérin-Lajoie, la plus louée de l’UQAM. Pour répondre aux besoins de cette salle, une trentaine de placiers et de placières sur appel étaient embauché(e)s, affirme la chargée de communication et de recrutement de l’ÉST, Valérie Michaud.

Achat controversé

En mai 2018, le Service des immeubles de l’UQAM a fait l’acquisition du théâtre Berri, un ancien cinéma situé au coin des rues Saint-Denis et Sainte-Catherine, afin de compenser temporairement le manque d’espace de l’ÉST. La direction de l’École, qui n’a pas été consultée au préalable, a constaté la présence de moisissure et d’amiante dans la salle, qui nécessitait donc des travaux de décontamination et de rénovation. « Il y a plusieurs aspects dans la construction même du lieu qui ne remplacent pas le grand plateau de la [salle Marie-Gérin-Lajoie] et qui en font un théâtre difficilement praticable », rapporte Mme Bussière.

« Je voulais faire ma maîtrise en deux ans et demi. [À présent], je me dis qu’avec une salle en moins, je vais prévoir la faire en trois ans […]. »

La représentante de l’Association des étudiants de la maîtrise en théâtre (ADEMAT) Justine Bernier-Blanchette

Les premiers plans de réaménagement du théâtre Berri soumis par l’ÉST ont été refusés par le Service des immeubles de l’UQAM pour des raisons financières, indique M. Jubinville. « On a toujours été tenus dans la noirceur la plus absolue en ce qui concerne les budgets », ajoute-t-il.

Surplus ou déficit d’espace ?

« Selon le ministère de l’Éducation [et de l’Enseignement supérieur], [l’ÉST] est en surplus d’espace », soutient la vice-rectrice à la Vie académique par intérim, Danielle Laberge, en entrevue avec le Montréal Campus..

Au contraire, l’ÉST souffrirait d’un manque d’espace, selon la directrice de ses programmes de 1er cycle, Nancy Bussière, en se comparant à d’autres établissements d’enseignement du théâtre plutôt qu’aux normes universitaires.

De son côté, l’École des médias de l’UQAM a reçu une subvention gouvernementale de 10 millions de dollars, en 2014, afin de construire un nouveau studio de cinéma. Son édification était initialement prévue sur le toit du pavillon Judith-Jasmin, mais la mise en application d’un règlement plus strict concernant les bâtiments a empêché sa réalisation. « On se retrouvait avec 10 millions, mais pas de lieux pour faire [le studio de cinéma] », indique le directeur de l’École des médias, Pierre Barrette.

« Nous, on a toujours été tenus dans la noirceur la plus absolue en ce qui concerne les budgets. »

Le directeur de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, Yves Jubinville

Dépassement de coût et suspension des travaux

En septembre 2018, le Service des immeubles et l’ÉST ont convenu d’aménager l’espace temporaire du théâtre Berri pour la session d’automne 2019 et de combiner ensuite deux locaux de répétition de théâtre du pavillon Judith-Jasmin afin de créer une petite salle de spectacle et de cours. L’ordre d’exécution des deux projets a toutefois été revu, ce qui a entraîné une réorganisation des plans, de même qu’une hausse du coût des travaux, explique Nancy Bussière.

En janvier dernier, la direction de l’UQAM a mis un terme à tous les travaux d’aménagement pour combler la perte de la salle Marie-Gérin-Lajoie. « Les coûts se sont révélés beaucoup plus élevés que ce qui était anticipé à l’origine. On a dû stopper [les projets] », explique Danielle Laberge. Elle a tenu à rappeler que l’Université se trouve « dans une situation financière très serrée » et qu’aucune subvention gouvernementale n’a été obtenue pour l’ÉST.

Si Mme Laberge n’a pas voulu divulguer les coûts des opérations de rénovation du théâtre Berri, Nancy Bussière estime qu’ils s’élèvent à 3,4 millions de dollars.

« Le Service des immeubles avait alloué un certain budget à la réalisation [des projets de rénovation du théâtre Berri] en méconnaissance de la nature d’un théâtre. Donc, il y a une question d’incompétence », estime Mme Bussière, ajoutant que la consultation d’une firme externe pour l’évaluation des coûts n’a eu lieu que tardivement.

Des discussions devraient avoir lieu mercredi entre l’ÉST et la direction de l’UQAM afin d’envisager de nouvelles alternatives quant à l’avenir de la salle Marie-Gérin-Lajoie, souligne Valérie Michaud.

« On a fait un pari qu’on a perdu, croit M. Jubinville. Mais peut-être que la partie n’est pas complètement jouée. »

photo: LUDOVIC THÉBERGE MONTRÉAL CAMPUS

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