5Ws : l’art d’éveiller les consciences

Dans son exposition Nans Bortuzzo. 5Ws, présentée à la Galerie de l’UQAM, le finissant à la maîtrise en arts visuels et médiatiques Nans Bortuzzo présente une installation numérique contenant l’historique de navigation d’un demi-million d’Américains et d’Américaines afin de remettre en question le rapport entre Internet et la vie privée.

5Ws est la deuxième étape d’une œuvre basée sur la cueillette d’informations personnelles. Nans Bortuzzo a obtenu ces données à la suite d’une brèche sur Internet survenue en 2006, qui avait enregistré l’historique de recherche ainsi que les requêtes intimes ou inusitées de ces personnes.

L’artiste s’est servi de ces données, qu’il a rendues anonymes, pour dénoncer les limites de la vie privée en exposant leurs recherches sur internet.

C’est dans une pièce aux lumières tamisées et aux tons de noir et de blanc que le public plonge dans cette réalité.

À gauche de la salle se trouvent cinq grandes piles de papiers sur lesquelles sont imprimées des milliers des questions. À droite, une projection fait défiler silencieusement certaines de ces questions, choisies par l’artiste. Le troisième mur devient une murale sur laquelle apparaissent des mots aux grosseurs variées, dont What, Why, Where, Who et When, qui sont communément appelés 5Ws.

Étape par étape

La première partie de l’oeuvre a été présentée en 2016 au centre de l’image contemporaine VOX de Montréal. Elle représentait des portraits fictifs, créés à partir des informations personnelles recueillies par l’artiste. Pour cette deuxième étape, l’artiste a voulu « tirer des informations d’intérêt général [en cernant] les préoccupations [rédigées] sous forme de questions ».

Le choix d’un décor minimaliste dépourvu de couleurs est un choix artistique audacieux, puisque le public ne se sent pas ébloui par l’oeuvre mais plutôt par son propos en entrant dans la salle.

5Ws en trois temps

Le premier mur représente un algorithme organisant les différents thèmes qui sont au coeur des recherches en fonction de leur importance, tels « grossesse » (pregnancy) ou « maladie » (disease). Le public est confronté une première fois aux 5Ws, qui prennent beaucoup d’espace sur ledit mur.

C’est toutefois la deuxième partie qui est la plus frappante, alors que 200 000 requêtes Internet sont rassemblées en format papier et sont organisées selon les 5Ws.

On peut y lire, par exemple, « When will I be loved ? », ou encore « What is Reye’s syndrome ? ». Nans Bortuzzo cherchait ainsi à « reproduire le choc d’avoir toute sa vie exposée à travers ces petites phrases ».

L’idée de montrer ces questionnements personnels exposés au grand jour vient briser toute intimité. Le public s’y rattache inconsciemment, car il pourrait s’agir de ses propres interrogations.

Dans l’œuvre finale, l’artiste a cerné les principaux thèmes émergents des questions, comme la sexualité, la ségrégation raciale et la santé. Si le manque de diversité dans les questions qui défilent peut sembler déplorable, c’est plutôt un choix artistique qui a guidé Nans Bortuzzo, cherchant à représenter les « principales préoccupations [des personnes piratées] qui ont émergé durant la recherche ».

Quand l’art et l’empathie se rencontrent

L’œuvre, globalement très réussie, mérite une attention particulière. Si survolée elle peut sembler banale, c’est en l’analysant que certains enjeux sociaux préoccupants viennent provoquer une remise en question. Chaque détail est réfléchi de manière à marquer l’imaginaire du public, en le sensibilisant à l’utilisation des données personnelles sur Internet. Nans Bortuzzo est novateur dans sa manière d’utiliser l’empathie de sorte que les gens s’identifient à son oeuvre.

L’exposition Nans Bortuzzo. 5ws de Nans Bortuzzo est présentée à la Galerie de l’UQAM jusqu’au 13 avril.

photo: LUDOVIC THÉBERGE MONTRÉAL CAMPUS

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *