La semaine dernière, on apprenait qu’une étudiante a été agressée sexuellement alors qu’elle étudiait seule dans un local de l’UQAM. Dans un courriel envoyé à la communauté étudiante, l’UQAM a tenté de nous rassurer et affirmant « regrett[er] vivement qu’un tel événement se soit produit sur notre campus ». Selon son communiqué, sorti à la suite d’un article dans La Presse canadienne portant sur l’agression, l’UQAM aurait joué un rôle de soutien auprès de la victime : en l’accompagnant, lui offrant du soutien psychologique et lui permettant des accommodements sur le plan académique. Il est toutefois dérangeant de constater que notre université contribue à l’invisibilisation des violences sexuelles déjà récurrentes sur nos campus. Je suis également inquiète que notre université instrumentalise la situation afin de promouvoir son agenda sécuritaire, visant généralement à contenir les mobilisations étudiantes.
La culture du viol
D’abord, il est déplorable de reconnaître des mythes de la culture du viol dans les communications de l’UQAM. Par exemple, le Journal de Montréal rapportait que la porte-parole de l’UQAM avait assuré « que c’était la première fois qu’un événement du genre survenait sur le campus ». De tels propos viennent renforcer la croyance qu’il est rare, voire impossible, que des violences sexuelles aient déjà eu lieu au sein de l’UQAM. Cela vient gommer le fait que ces violences puissent être commises par des professeur-e-s ou d’autres étudiant-e-s sur notre campus, comme l’a pourtant démontré l’enquête sur les violences sexuelles en milieu universitaire ESSIMU pour l’UQAM. À cet effet, on se souviendra des dénonciations ciblant des professeurs uqamiens survenues à l’automne 2014, qu’on appellera ensuite le « stickergate ». D’autre part, en qualifiant une agression sexuelle d’« événement regrettable », l’UQAM participe à l’euphémisation de telles violences.
Profilage
En prenant soin de souligner que l’agresseur « souffre de troubles psychologiques », l’UQAM contribue au discours pathologisant et individualisant des violences sexuelles contre les femmes. Ce genre de discours favorise généralement la stigmatisation de la maladie mentale au détriment d’une responsabilisation des auteurs de violences genrées. Sans compter qu’en insistant sur le fait que l’agresseur « ne faisait pas partie de la communauté universitaire », je suspecte qu’on ouvre la porte à un profilage social et une stigmatisation des populations vulnérables et en situation d’itinérance du quartier de notre université. Il n’est déjà pas rare de voir des agent-e-s de sécurité en expulser sans raison apparente, sinon de paraître en situation d’itinérance. Bien que l’UQAM a assuré qu’elle devait rester une université « urbaine, ouverte et accessible », on a toutefois laissé sous-entendre que les questions d’« accessibilité aux locaux » pourraient être ajustées…
Quelle sécurité?
Afin d’assurer un environnement « sécuritaire », le courriel mentionnait que des « moyens appropriés » seraient pris en ce sens. Bien que ces mesures ne soient pas encore claires, ma méfiance demeure face aux discours « sécuritaires » de notre université. Rappelons qu’en 2015, une intervenante spécialisée auprès de victimes d’agression sexuelle avait été embauchée de façon ponctuelle. Un an plus tard, le contrat n’avait pas été renouvelé, faute de budget, et ce, malgré les demandes répétées, datant d’une vingtaine d’années, pour de tels services de soutien. À cette même période, on apprenait que les dépenses en matière de sécurité privée allaient gonfler : un contrat de 50 millions de dollars sur sept ans était accordé à la firme Garda. Précisons toutefois que cette hausse en sécurité privée n’avait rien à voir avec notre sécurité en tant que femmes sur le campus, mais avait plutôt comme objectif le contrôle et la répression des activités politiques étudiantes, notamment des activités féministes. D’ailleurs, comme le rapporte l’enquête ESSIMU-UQAM, des étudiant-e-s ont subi des violences sexuelles (harcèlement et attouchements sexuels) de la part même d’agent-e-s de sécurité en contexte de militantisme politique sur le campus. Comment pourrions-nous avoir confiance envers ce service? De plus, ce même rapport recommande en effet d’améliorer la sécurité de notre environnement (éclairage, service de raccompagnement, etc.), mais mentionne toutefois que « l’ajout de caméras ou de personnel de surveillance » n’est pas la solution à préconiser.
L’importance des mobilisations féministes
En somme, c’est à force de mobilisations, de dénonciations, d’actions politiques et de recherches, comme l’enquête ESSIMU, sur notre campus que des avancées dans la lutte aux violences sexuelles ont lieu. On peut penser au partenariat entre l’UQAM et le CALACS Trêve pour Elles, instauré l’automne dernier, ou encore à la longue révision de la Politique 16 contre le sexisme et les violences à caractère sexuel, à laquelle nous pouvons maintenant tous et toutes participer. Il est décevant de voir notre université invisibiliser les violences sexuelles vécues sur nos campus. La vigilance est de mise face aux discours de notre université concernant la « sécurité », qui visent la plupart du temps à faire taire nos activités politiques ou à contribuer au profilage social. Tout mon soutien et mon empathie sont dirigés envers l’étudiante ainsi que toutes les autres victimes pour qui l’agresseur-e fait partie de notre communauté universitaire ou dont l’agression ne correspond pas au stéréotype d’une « véritable » agression sexuelle.
L’auteure est candidate à la maîtrise en sociologie à l’UQAM.
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