L’histoire d’amour entre une musicologue et la chanson québécoise

Chargée de cours en histoire de la chanson francophone et chercheuse postdoctorale en musicologie à l’UQAM, Sandria P. Bouliane est une experte de la scène musicale de la Belle Province. D’un grand naturel, la musicologue revient sur l’importance d’une bonne éducation afin de protéger le français dans la musique québécoise, une note à la fois.

« J’ai toujours été fascinée par la musique », avoue d’entrée de jeu la chargée de cours, dont un sourire inopiné éclaire le visage. Initiée dès son plus jeune âge au piano, la musicologue se découvre rapidement une passion pour la musique classique.

Enchaînant les écoles de musique lors de son passage au primaire et au secondaire, Sandria P. Bouliane doit faire un choix à son entrée au cégep : l’art ou la stabilité. « J’ai fait un double DEC en musique et sciences parce que les sciences semblaient plus prometteuses », se rappelle-t-elle entre deux éclats de rire, loin de se douter où sa carrière musicale allait la mener.

Acceptée à l’Université Laval en musicologie, elle se spécialise en musique baroque, pour se réorienter, une fois à la maîtrise, vers la musique populaire.

Le professeur au doctorat en musicologie à l’Université Laval, Serge Lacasse, qui est l’un des premiers à s’être spécialisé en musique populaire au Québec, avoue être impressionné par Mme Bouliane. « Son caractère, c’est sa force, confie-t-il. C’est une personne qui va travailler extrêmement fort pour réussir à atteindre ses objectifs. »

Détentrice d’un doctorat en musicologie dès le début des années 2000, elle participe à de nombreuses recherches sur les origines de la musique francophone au Québec, notamment au sujet des influences musicales entre New York et Montréal.

« C’est très important qu’il y ait des personnes qualifiées comme Sandria qui nous parlent de la culture populaire québécoise, sans quoi il serait dur de la préserver », lance le docteur en histoire, spécialiste de la Nouvelle-France et coordonnateur de l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, Martin Fournier. Selon lui, le travail de la chargée de cours demeure des plus importants à ce jour, tenant compte de la situation précaire de la francophonie en Amérique du Nord.

Des échanges profitables

Sandria P. Bouliane clame cependant qu’il est irrationnel de craindre la disparition du français dans la musique québécoise. Pour la musicologue, le concept de musique québécoise « de souche » reste assez vague. Celui-ci a toujours été grandement influencé par son voisin américain, explique-t-elle.

« Les chansons traditionnelles québécoises n’étaient ni plus ni moins que des traductions de chansons américaines », signale la chercheuse avant de chantonner Y mouillera p’us pantoute, la traduction québécoise de la chanson américaine It Ain’t Gonna Rain No More.

Durant ses recherches, Sandria P. Bouliane a découvert que les échanges culturels entre diverses communautés ont toujours été bénéfiques pour la musique québécoise. « La peur de perdre la langue française a toujours été là », mentionne-t-elle.

« Si la musique francophone a toujours réussi à survivre malgré les emprunts culturels, pourquoi est-ce que ce serait différent dans le futur ? », se questionne-t-elle avant de souligner que de nombreux pays évoluent avec une multitude de langues officielles sans que l’une prenne le dessus sur les autres.

Le professeur Serge Lacasse soutient que cette vision est proprement issue de l’époque de Mme Bouliane. « C’est une génération de musicologues plus cosmopolite, justifie-t-il. Ils ont été capables de l’intégrer dans un discours plus vaste et se sont rendu compte qu’il y avait des phénomènes semblables qui se passaient ailleurs dans le monde. »

Une question d’éducation

Aujourd’hui, la chargée de cours à l’UQAM adapte ses recherches à la nouvelle réalité musicale québécoise. Après de nombreuses décennies d’échanges culturels entre différentes communautés, Sandria P. Bouliane dénote un métissage de plus en plus assumé dans la musique québécoise. « Il y en a toujours eu. Maintenant, ce qui est intéressant, c’est que ça se produit dans une même chanson, dit-elle. Avant, personne n’aurait parlé de groupes qui mélangent différentes langues [dans la même phrase]. »

Or, il est faux de croire, selon la chercheuse postdoctorale en musicologie, qu’un métissage de plus en plus présent dans la chanson francophone québécoise représenterait un danger pour sa survie. Il ne s’agirait pas d’une question de langue, mais bien d’éducation. « Si on a une belle éducation, si on montre la richesse d’une culture, les gens vont être intéressés de se l’approprier, de la connaître et de travailler avec, raisonne-t-elle. Ce n’est pas parce que de plus en plus de jeunes musiciens mélangent les langues qu’on va commencer à perdre tous nos repères francophones. »

Martin Fournier est du même avis. Selon lui, des individus comme Sandria P. Bouliane sont nécessaires à la conservation de la musique populaire québécoise. « Les travaux menés par Sandria sont indispensables à la bonne connaissance de la culture populaire québécoise, sans quoi elle se ferait bouffer tout rond », affirme-t-il.

Questionnée sur ses projets futurs, la chercheuse postdoctorale à l’UQAM désire publier une encyclopédie de la musique du Québec. « Le but serait de proposer des topos sur la danse, sur le funk, sur l’enregistrement et où une panoplie de sujets serait abordée », explique-t-elle.

Pour ce faire, la musicologue précise qu’il lui reste beaucoup de travail à accomplir avant d’arriver à un résultat concret. « Ça fait longtemps que je ramasse, peu à peu, des collaborateurs, aussi bien des historiens amateurs que des chercheurs académiques, afin de trouver les bonnes personnes qui parlent du sujet qu’ils connaissent », mentionne Sandria P. Bouliane.

photo: MICHAËL LAFOREST MONTRÉAL CAMPUS

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