Le journal de Gab Bois

L’artiste frondeuse Gab Bois s’amuse à publier régulièrement des gros plans fantaisistes à saveur satirique sur sa page Instagram. Si elle trouve son contenu « presque satisfaisant à regarder », ses photos n’ont pas cet effet sur tous.

Grâce à ses publications provocatrices qui ont été vues des millions de fois, la photographe et modèle décomplexée se démarque sur la galerie virtuelle. Sa page Instagram, gabbois, compte plus de 125 000 adeptes des cadrages serrés qui mettent en scène son corps orné d’objets qu’elle tire de son quotidien.

Depuis novembre 2016, l’artiste y a entre autres dévoilé des photos de ses clavicules rougies transpercées d’anneaux et de sa bouche ouverte dans laquelle un cactus fait office de langue. « Sans nécessairement entrer dans le gore, j’avais envie d’aller jouer dans les petites nuances. C’était en réaction à mes cours au cégep, où ce qu’on créait devait être beau, esthétique », affirme la diplômée en arts visuels du cégep du Vieux-Montréal, qui a récemment quitté son programme en enseignement à l’UQAM afin de se consacrer à ses projets personnels.

« Mon père est artiste peintre, donc l’art a tout le temps été là. Il m’assoyait à côté de lui avec une feuille pendant qu’il était devant son tableau », se rappelle celle qui pratiquait la peinture et l’illustration avant de se lancer en photographie. Munie de son modeste appareil, Gab Bois se démarque aujourd’hui avec des plans rapprochés, qui sont rapidement devenus sa marque de commerce.

Les idées de Gab Bois lui ont valu une invitation aux deux dernières éditions de l’exposition Art Party, créée par des femmes artistes en 2017. « On aime approcher des femmes qui ont confiance en leur travail et qui n’ont pas peur de le démontrer », explique la coordonnatrice de l’événement, Naomie Thellend Gélinas.

Lors de sa première exposition au Art Party, la jeune « dure à cuire » a pris plaisir à apposer des commentaires négatifs tirées de sa page Instagram sur ses oeuvres. « C’est une femme qui inspire les artistes et c’est ça qu’on veut », ajoute Mme Thellend Gélinas.

À livre ouvert

Féminité, proximité et intimité constituent le fil conducteur de l’œuvre de Gab Bois. « Je suis inspirée par des trucs que je connais. C’est très égoïste comme processus créatif », admet la photographe.

« Comme c’est un journal d’idées hyper personnelles, ça me surprend un peu que les gens se sentent interpellés par l’univers de quelqu’un d’autre », s’étonne l’artiste, qui profite aujourd’hui de la visibilité que lui procure sa page Instagram.

Malgré le sens plus implicite de certaines oeuvres, une description illustre parfois les publications de Gab Bois. « En pensant à des expressions et à des trucs plus figuratifs, j’ai commencé à faire des titres qui résonnaient avec l’image », explique Gab. « Lequel es-tu ? », demande-t-elle sous la photo d’un bol de soupe aux tomates dans lequel flottent les lettres qui forment à la fois les mots lover [amoureux] et loner [solitaire].

Bien qu’il lui arrive de faire des clins d’œil politiques, comme elle l’a fait pendant le mouvement #MoiAussi en partageant une photo où des anneaux cadenassés scellent ses lèvres, Gab Bois ne se décrit pas comme une activiste. « Ce que je fais est très satirique. Il ne faut pas prendre ça au sérieux », précise l’artiste.

« J’aime le fait que son travail soit entièrement fait par elle. Penser aux coulisses des séances m’intrigue », souligne Naomie Thellend Gélinas en songeant à une photo où l’artiste, les jambes en l’air, tient deux coupes remplies d’eau en équilibre sur la semelle de ses chaussures.

L’art de Gab Bois ne lui permet toutefois pas de payer son loyer. C’est dans la boutique de consignation de vêtements haut de gamme où elle travaille qu’elle investit la majorité de son énergie. Elle s’inspire d’ailleurs de son emploi lorsqu’elle bricole avec des logos Louis Vuitton ou Chanel miniatures lors de séances photos.

De retour d’un séjour à Los Angeles et à peine installée dans son nouvel appartement de la Petite-Italie, Gab Bois prévoit présenter des œuvres multisensorielles dans une exposition cet été, à Montréal. « À suivre », annonce-t-elle.

photo: MARTIN OUELLET MONTRÉAL CAMPUS

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