Rire à mi-temps

Loin des grandes tragédies shakespeariennes, la pièce Beaucoup de bruit pour rien, présentée par l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, offre de belles surprises et a certainement de quoi divertir après un certain temps.

Dès l’entrée en salle, le public plonge dans l’ambiance d’un cabaret des années 50, dans laquelle est transposée la comédie romantique écrite il y a plus de 400 ans. Les acteurs y jouent les hôtes alors que les spectateurs rejoignent leur siège. Malheureusement, le tout manque de naturel : les personnages prennent du temps à être bien campés et la pièce débute sans grande force.

L’histoire est classique. Les hommes reviennent de la guerre. Claudio est éperdument amoureux d’Héro et obtient sa main. Toutefois, une manigance d’un Juan jaloux vient contrecarrer les plans. Entretemps, Béatrice et Bénédict trouvent plaisir à leur joute fielleuse jusqu’à ce que l’amour s’immisce entre eux.

Rien de particulièrement original dans ce qui aurait pu n’être qu’une énième adaptation de Shakespeare. Mais une fois mise en scène par Frédéric Bélanger pour se conformer aux thèmes de l’après-guerre et de l’émancipation des femmes, la pièce prend une dimension comique à laquelle s’ajoute plus de profondeur.

Cette mise en scène originale est surtout le prétexte d’une production artistique de grande qualité. L’utilisation de masques à gaz et de lunettes de combat en guise d’ornements est habilement intégrée lors d’un bal masqué. Le décor, bien que modeste, permet un large éventail de déplacements pour les interprètes. Quant aux costumes, ils sont tout simplement ravissants.

Un jeu inégal

Si certains comédiens prennent près de la moitié de la pièce avant de trouver le ton juste à leur personnage, il faut surtout saluer l’excellente interprétation de Virginie Ouellet, qui campe une Béatrice avant-gardiste, tiraillée entre son indépendance et son amour pour Bénédict. L’hilarant Victor Naudet est tout aussi inoubliable en Bénédict charmeur de ces dames et adepte du ukulélé. Le duo porte sur ses épaules une grande partie de la dynamique comique du spectacle, et c’est avec brio qu’ils accomplissent leur mission.

La dérogation constante de l’idée d’un quatrième mur ajoute tout autant au divertissement. Bien plus que de simples clins d’œil en aparté, les comédiens s’emparent de la salle pour se cacher derrière les gens ou même pour prendre possession d’une chaise sur laquelle un spectateur est assis, le laissant pantois, debout au milieu de l’allée. Les acteurs semblent jongler avec plaisir entre les anachronismes et les boutades, tout en conservant une maîtrise parfaite du verbe de Shakespeare.

Même si Beaucoup de bruit pour rien peine à établir son rythme au départ, le spectateur pardonne facilement ce démarrage en douceur lorsque l’énergie éclate en seconde moitié de la pièce et que les rires fusent. Le public en ressort fort diverti, même si l’ensemble n’a rien de particulièrement grandiose ou innovant. L’objectif de la pièce est atteint puisque tous ont certainement passé une excellente soirée.

 

photo: PATRICE TREMBLAY COURTOISIE DE L’ÉCOLE SUPÉRIEURE DE THÉÂTRE DE L’UQAM

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