L’homme derrière le correcteur

Au cours des quatre premières semaines de la rentrée, l’absence du mystérieux correcteur du Salon G se ressentait. Toujours assis à une table avec son ordinateur et entouré de deux petites affiches annonçant : « Je corrige des textes », Noël Laflamme s’était isolé sur l’île de Chypre, le temps de rédiger son prochain roman.

Noël Laflamme est correcteur depuis seulement deux ans. Chaque jour, il s’installe au Salon G, situé dans le corridor menant au pavillon Hubert-Aquin, et invite les étudiants à lui confier leurs travaux pour une correction ou même une traduction de l’anglais au français. Il a environ une soixantaine de clients et cela le garde bien occupé. « Voir les étudiants pour qui je corrige les textes, c’est intéressant, indique M. Laflamme. Certains me disent qu’ils sont contents de la correction et puis on parle de choses et d’autres. Il y a le contact humain qui fait que c’est encore plus intéressant de corriger. » Son intérêt pour la correction découle de son amour pour la langue française et de son besoin d’assouvir sa véritable passion : l’écriture.

En effet, Noël Laflamme est écrivain. Il a déjà publié trois livres dont deux chez l’éditeur québécois Point de fuite. Plus d’une vingtaine de manuscrits attendent toujours dans ses tiroirs.

M. Laflamme est intrigué depuis sa jeunesse par les langues. Il a effectué son baccalauréat en traduction à l’Université Laval. Après avoir enseigné le français en Louisiane et à Ottawa, il s’est installé à Montréal pour être professeur de français langue seconde aux immigrants. Un emploi qu’il a occupé pendant une vingtaine d’années pour les Centres d’orientation et de formation pour les immigrants (COFI), maintenant fermés.

Son intérêt pour l’écriture a pris forme lors d’un voyage aux quatre coins de l’Europe de l’Ouest et de l’Afrique du Nord. « Presque tous les jours, j’écrivais. Je suis revenu avec une pile de cahiers », confie-t-il. M. Laflamme a effectué, dans sa quarantaine, un certificat en création littéraire à l’UQAM. Quelques années après, en 1996, il a décidé de se consacrer entièrement à l’écriture et de lâcher son emploi.

Loin de la réalité

Pour écrire, Noël Laflamme a besoin d’être ailleurs, loin de la réalité. C’est le voyage qui lui permet cela. « Depuis sept ou huit ans, je pars à l’extérieur pour écrire un roman parce que je me sens plus libre et l’esprit plus tranquille. » Il se qualifie lui-même de globe-trotteur. Il a d’ailleurs voyagé sur tous les continents. « Ce sont les étudiants de l’UQAM qui me permettent de payer mon billet d’avion », affirme M. Noël, souriant.

Ses tarifs varient entre 6 $ la page et 3 $ la page, selon la longueur du texte. Ce sont donc les corrections qui lui permettent de subvenir à ses besoins quotidiens, mais aussi de satisfaire son envie d’écrire et de voyager.

Les livres de Noël Laflamme se veulent des réponses à des questions philosophiques. « J’ai tendance à vouloir me retirer de la réalité, que je trouve plate très souvent. Je trouve plus motivant d’écrire en laissant mon imagination libre », avoue-t-il. C’est dans les mots qu’il peut s’interroger et aussi se réfugier. Il est même un grand admirateur des dictionnaires. « J’ai passé beaucoup de temps dans ma vie à feuilleter les dictionnaires. Le Petit Robert en particulier et le Trésor de la langue française. »

Noël Laflamme aime la solitude; il n’a ni téléphone cellulaire ni télévision et il habite seul. « Les mots sont mes amis. Souvent, je suis avec des gens et puis je m’ennuie et je me dis : “Oh mon Dieu. J’aurais eu le temps de lire un chapitre d’un roman”. » Il adore néanmoins travailler dans le brouhaha, comme au Salon G. La musique et les conversations des étudiants rythment ses corrections et son imagination. L’homme de 67 ans souhaite encore continuer quelques années à faire de la correction. « Je pense que j’aide les étudiants et ça me permet de partir faire mes voyages d’écriture », émet-il.

 

photo: FLORENCE DANCAUSE MONTRÉAL CAMPUS

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