Le sirop d’érable à la défense de la diversité

Dans son documentaire Le goût d’un pays, le réalisateur Francis Legault relève le défi de parler de l’identité québécoise sans laisser de côté qui que ce soit. Le long-métrage, à l’affiche depuis le 2 décembre, propose à travers la métaphore de l’érablière un portrait de la société québécoise dans toute sa pluralité.

« Le sirop d’érable, c’est le fruit d’un métissage, affirme Francis Legault. Les Premières Nations avaient la connaissance de la sève d’érable, mais c’est grâce au chaudron des colons français qu’on a réussi à faire du sirop. S’il y a une chance que cette identité [québécoise] continue à vivre, c’est grâce aux apports et aux saveurs que les nouveaux arrivants vont emmener avec eux. » Le cinéaste, qui a longtemps travaillé pour l’émission À la di Stasio, parle du côté rassembleur de la table à manger. Selon lui, la métaphore du sirop et de la nourriture pour parler du Québec suscite moins de polémiques. « Le sirop d’érable, il faut vraiment être de mauvaise foi ou s’être levé du mauvais pied pour ne pas aimer ça », blague le réalisateur.  

L’idée d’un film sur le sirop d’érable vient de la première rencontre entre Fred Pellerin et Gilles Vigneault à l’émission radiophonique L’autre midi à la table d’à côté, réalisée par Francis Legault. À la fin du repas, les deux poètes ont abordé le sujet des sucres et Gilles Vigneault a fini par inviter Fred Pellerin à  son érablière. Après sept ans de travail, le résultat de cette visite filmée durant les printemps 2015 et 2016 est finalement sorti en salles.

Dans Le goût d’un pays, les deux chansonniers parlent du Québec, de leur vie personnelle et de cabanes à sucre. Le film se fractionne ensuite en de multiples témoignages sur l’identité québécoise en y intégrant notamment de nouveaux arrivants et des personnes habitants hors des grands centres. On nous présente une foule de personnes : une famille montréalaise propriétaire d’une érablière, plusieurs producteurs de sirop ainsi que certains visages connus comme celui de Fabien Cloutier ou de Gabriel Nadeau-Dubois.   

Certains portraits présents dans le long-métrage, comme celui de Kim Thúy et de Boucar Diouf, trouvent également écho chez des membres de la population immigrante. « Aux RIDM [Rencontres internationales du documentaire de Montréal], à la première, une femme d’origine brésilienne qui était au Québec depuis sept ou huit ans a dit qu’elle était touchée de voir le film et surtout de voir la présence de nouveaux arrivants. », rapporte le cinéaste.

Dans le documentaire, l’auteure Kim Thúy raconte par exemple son arrivée au Québec en plein temps des sucres et sa première expérience dans une érablière. « Le plus gros choc c’était la quantité de nourriture, le deuxième choc c’était que la nourriture était arrosée de sirop d’érable, noyée dans le sirop d’érable », raconte l’écrivaine avec nostalgie.

Le goût d’un pays est aussi l’occasion pour son réalisateur de parler de l’identité québécoise avec fierté. « On est toujours hyper friand quand quelqu’un va nous parler de ses racines, mais c’est rare qu’on parle des nôtres avec fierté, relate Francis Legault.  J’ai travaillé dix ans sur des émissions de cuisine, on allait en Italie pour faire un reportage sur “Wow, le vinaigre balsamique” mais ce produit-là [le sirop d’érable], on le snobait », soulève celui qui a remporté deux fois un Gémeau pour son travail de réalisateur à l’émission À la di Stasio.

Pour ce qui est des enjeux identitaires au Québec, le film soulève plus de questions que de solutions claires. Le réalisateur n’a pas la prétention de définir l’identité québécoise. Ainsi, le propos n’est pas partisan. En lui demandant si Le goût d’un pays se veut une œuvre souverainiste, Francis Legault répond qu’aucun intervenant n’apporte vraiment de réponse. « C’est plus des pistes de réflexion », indique le cinéaste.

Le réalisateur ne peut s’empêcher de parler de son film avec une lueur de fierté dans les yeux. « Dans mes rêves les plus fous, le film ne serait pas juste présenté ici, mais à l’extérieur pour que des gens se disent que dans un coin de pays, ils sont assez fous pour affronter le froid, aller entailler des érables, attendre que ça coule et ensuite bouillir ça pour que ça fasse du sirop. »  

Photo: CATHERINE LEGAULT MONTRÉAL CAMPUS
Le réalisateur Francis Legault

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