Plaidoyer renouvelé pour une réforme en éducation

DOSSIER S’ÉDUQUER AUTREMENT | S’adapter aux nouvelles réalités des étudiants au cheminement scolaire atypique représente un grand défi pour les écoles québécoises. L’uniformité de l’éducation irrite de plus plus la nouvelle génération qui elle, n’est pas uniforme de par ses comportements et ses intérêts.

Dans la nouvelle édition de son livre Éduquer. Pour la vie!, le professeur au Département de psychologie de l’Université de Montréal Charles Caouette dresse le bilan sévère d’une éducation qui serait le pantin de la société capitaliste.

Le message envoyé par le professeur est clair : une réforme majeure de l’éducation québécoise est obligatoire si la nation désire s’élever en tant que société. Charles Caouette, qui est aussi le cofondateur de l’école primaire Jonathan — une école alternative fondée en 1974 — critique avec véhémence les lacunes de notre système scolaire : valorisation de l’individualisme, de la compétition entre les pairs, du dépassement des autres, de l’intolérance et de la violence subtile.

D’après M. Caouette, l’école s’est égarée de son but initial d’éduquer les jeunes avec l’intention de former des citoyens accomplis personnellement et professionnellement. Elle servirait désormais à encourager et véhiculer des valeurs issues de notre société industrielle et capitaliste au lieu de viser le bien-être commun. « Il est indispensable et urgent que l’école cesse d’être à la remorque de l’entreprise et de ses attentes et qu’elle assume de façon concrète et officielle le leadership qui lui revient dans les changements en cours », soutient M. Caouette.

L’auteur croit également que le système actuel s’avère néfaste pour le développement personnel des jeunes. « Il est carrément inacceptable que ce soit à l’école que les jeunes perdent le goût de l’école, le goût d’apprendre et de se développer, qu’ils y perdent surtout la confiance en eux-mêmes, en leurs ressources et en l’avenir », déclare Charles Caouette.

Enseigner à vivre

Afin de contrer la mentalité « incohérente » actuelle qui gouverne le système d’éducation, Charles Caouette propose une nouvelle approche qui met de l’avant la coopération entre les élèves plutôt que la compétition. « Il faut que l’on redécouvre concrètement, en éducation, les valeurs de coopération, de partage, d’amitié et de tendresse », propose-t-il. Selon lui, les jeunes bénéficieraient grandement d’un partage d’idées pour apprendre dès le départ l’importance du travail collectif. « C’est personnellement et en interaction avec les autres que les jeunes doivent prendre le temps de découvrir et de recréer le savoir, et de lui trouver du sens », explique le professeur.

Pour l’ancien professeur en sciences de l’éducation de l’UQAM Normand Baillargeon, les problèmes actuels concernant l’éducation au Québec ne se règleront pas seulement en adoptant une nouvelle charte de valeurs basées sur l’entraide. « Bien sûr, il est important d’encourager le partage et la coopération dans le développement des étudiants. Mais les enseignants sont actuellement inaptes à entreprendre ce genre de changement à cause de leur formation professionnelle déviante », explique-t-il. M. Baillargeon prétend que la pertinence du programme d’éducation est mise en péril en raison d’un trop grand nombre d’étudiants admis chaque année. Les facultés d’éducation prioriseraient, selon l’ancien professeur, l’acceptation en masse de nouveaux étudiants sans pour autant miser sur la qualité de la formation des élèves.

Éducation à la dérive

Les enseignants devraient pourtant être le pilier de la réussite de l’éducation, selon Charles Caouette. Pour certains étudiants, l’école est en « perte de sens » et cela s’explique aussi par le fait qu’ils n’associent pas les savoirs acquis comme étant utiles dans leur vie de tous les jours. « Il faut que ces connaissances répondent à des questions que l’étudiant se pose lui-même, qu’elles répondent à des besoins qu’il ressent personnellement, et qu’elles se raccrochent à son vécu », suggère l’auteur.

Pour Normand Baillargeon, les enseignants ne sont pas outillés pour mener à bien cette initiative. Selon lui, les programmes universitaires en éducation sont désuets et ne permettent pas aux professeurs qui sortent de l’école de répondre aux exigences des étudiants. « Les facultés d’éducation servent de vaches à lait pour les universités. On accepte beaucoup trop d’étudiants, certains avec des moyennes très basses, pour le nombre de places réelles qui se trouvent sur le marché du travail. On se ramasse donc avec des professeurs, mal formés et poussés vers un marché saturé, qui ne sont pas prêts à affronter les défis qui les attendent », déplore Normand Baillargeon.

L’auteur Charles Caouette voit dans les écoles alternatives une porte de secours pour l’éducation au Québec. « Nos écoles alternatives actuelles sont plus sérieuses et elles sont à la recherche  d’une plus grande qualité de vie », affirme le professeur. Cette forme différente de cheminement scolaire, fondée sur les besoins «réels» des étudiants, serait la clé afin de former une société soucieuse des enjeux reliés à l’éducation selon M. Caouette. « Et l’avenir? La question n’est pas de savoir vers quelle sorte d’avenir nous nous dirigeons, mais quelle sorte de société nous sommes en train de bâtir», lance-t-il.

Photo: JEAN BALTHAZARD MONTRÉAL CAMPUS
Le professeur au Département de psychologie de l’Université de Montréal Charles Caouette

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