L’UQAM accuse un retard en matière d’accueil et d’intégration de ses étudiants autochtones. C’est du moins ce qu’estiment des membres issus d’un groupe de recherche enquêtant sur leur expérience universitaire, à la grandeur du Québec.
Le cofondateur de la concentration en études autochtones à l’UQAM et professeur au Département de sciences des religions, Laurent Jérôme, fait partie de l’équipe qui transmettra incessamment ses recommandations à l’Université pour « mieux connaître la population autochtone ». « À l’UQAM, on ne connaît pas [les étudiants des Premiers peuples], on ne sait pas qui ils sont, on ne sait pas d’où ils viennent et on ne sait pas forcément ce dont ils ont besoin pour réussir à l’université », fait-il remarquer.
Depuis plus de 20 ans, le coordonnateur du Cercle des Premières Nations (CPN) de l’UQAM, Gustavo Zamora Jiménez, réclame que l’institution garantisse des « services d’accueil et d’intégration » aux étudiants autochtones. « Pourquoi, quand tu es un étudiant étranger et tu arrives à l’université, il y a des services pour toi et lorsque tu viens d’une communauté autochtone, il n’y a rien?, questionne-t-il. L’UQAM fait de la discrimination institutionnelle basée sur l’origine ethnique. »
De l’avis de M. Zamora Jiménez, un lieu spécialement réservé aux étudiants autochtones leur tient particulièrement à coeur. « On aime ça avoir un local pour se rencontrer, socialiser, et où on se sent chez nous parce que veux, veux pas, les [étudiants autochtones] sont très minoritaires », laisse-t-il entendre, insistant sur leur caractère « tissé serré ».
C’est à la lumière des entrevues menées dans le cadre de l’enquête avec des étudiants des Premières Nations — de l’UQAM, mais aussi d’autres universités québécoises — que l’idée d’un lieu « mieux adapté » s’est imposée, dit le coordonnateur du CPN. À son avis, le DS-3223 — espace actuellement occupé par le Cercle — est trop petit pour remplir les besoins de l’organisme. « Quand j’organise une réunion, je dois réserver un autre local parce qu’on ne peut pas faire rentrer tout le monde », soulève-t-il en exemple.
Ce qui se fait ailleurs
À titre comparatif, l’Université de Montréal s’est dotée à l’automne 2015 d’un local, le Salon Uatik, offrant en priorité aux étudiants autochtones un espace de rencontre, d’étude et d’accompagnement. Mélodie Jourdain Michel y est agente de liaison à temps plein, épaulée par deux animateurs culturels, Anna Mapachee et Jimmy Simeon.
« C’est un lieu de rassemblement qui vient répondre au besoin d’appartenance. Nous, les autochtones, vivons en communauté et c’est très important cette valeur-là de se rassembler, de se tenir ensemble et de s’entraider, explique la jeune femme innue. Ça vient répondre aussi au besoin d’avoir des services culturellement adaptés. »
D’abord diplômée en sexologie à l’UQAM, Mme Jourdain Michel juge que son ancienne université était « mal adaptée » aux réalités des étudiants autochtones. Le Cercle des Premières Nations ne répondait pas à ses besoins scolaires, trop axé, selon elle, sur la « promotion » de la culture autochtone. « Je suis arrivée là-bas, dans ce petit local, où il n’y avait pas d’ordinateur et pas vraiment d’autochtones », confie-t-elle.
À l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), on reçoit les étudiants autochtones avant le début des cours, dans le cadre d’« une semaine d’accueil et d’orientation ». « Il y a autant des événements et des activités entre autochtones que des activités où on les invite à venir interagir avec le reste des étudiants, précise Laurie Chabot, conseillère à la vie étudiante à l’UQAT. Déjà, il y a une relation interculturelle qui s’installe. »
Établissement francophone, l’UQAT comprend toutefois des cohortes pour qui la formation est offerte en anglais, dans le cas des étudiants cris, par exemple. Pour les communautés plus éloignées, des enseignants peuvent aussi se déplacer. « On a des gens, des chargés de cours, qui vont enseigner dans les communautés et on offre un service de support à distance, dit Mme Chabot. On a autant d’étudiants sur communautés que sur le campus. »
À l’Université McGill, les étudiants autochtones ont à leur disposition un espace dédié (First Peoples’ House), sise sur le campus. Cet endroit sert à la fois de lieu d’étude et de rencontre, en plus d’organiser diverses activités de rassemblement tout au long de l’année scolaire.
« Nous organisons un lunch gratuit tous les mercredis pour les étudiants, qu’ils soient autochtones ou non, donne en exemple la coordinatrice du lieu rattaché aux Services aux étudiants de l’Université, Dana-Marie Williams. Et nous venons tout juste d’avoir des toilettes pour les [personnes] handicapées. »
La Maison est aussi une résidence, composée de sept chambres à des prix avantageux garantis par la maison d’enseignement. « Cette année, c’est la première fois que nous avons [en résidence] seulement des étudiants autochtones », indique Mme Williams.
Une démarche attendue
Depuis deux ans maintenant, la doctorante Léa Lefevre-Radelli — dirigée par le professeur Laurent Jérôme — pilote la recherche explorant les parcours post secondaires d’étudiants autochtones au Québec, incluant ceux de l’UQAM. Réalisée en partenariat avec le Conseil en Éducation des Premières Nations, l’enquête a également mis à contribution deux assistants chercheurs et le Service aux collectivités de l’Université.
Gustavo Zamora Jiménez a été approché par Mme Lefevre-Radelli aux balbutiements de la recherche pour partager sa connaissance du terrain. C’est avec une pointe d’impatience qu’il attend le dépôt des recommandations. Le rapport devrait être déposé d’ici la fin de la session automne.
La porte-parole de l’UQAM, Jennifer Desrochers, a assuré au Montréal Campus que l’Université « suit ce dossier de près ». « La sortie du rapport est prévue prochainement et nous collaborerons à [sa] stratégie de diffusion », a-t-elle indiqué dans un échange de courriels
Photos: CATHERINE LEGAULT
La Maison des peuples autochtones de McGill, située sur la rue Peel à Montréal
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