À la suite des différents cas de harcèlement sexuel sur le campus, plusieurs acteurs de la communauté universitaire tentent de trouver des solutions pour améliorer la situation dans l’enceinte de l’UQAM. Si certains n’en sont qu’au stade d’y réfléchir, une enquête sur les interactions en milieu universitaire est bel et bien en cours.
Le Montréal Campus a appris que le doyen de la Faculté de science politique et de droit, des professeurs du département et des exécutants des associations modulaires se sont rencontrés pour trouver des solutions afin de pallier le manque à gagner en matière de prévention du harcèlement sur le campus. Une des idées discutées viserait même l’élaboration d’un cours sur la culture du viol.
Si la création d’un tel cours peut être envisagée, il faudrait d’abord que les comités de programme des baccalauréats considèrent son entrée dans la structure de leurs cursus. Le projet devrait ensuite passer par la Commission des études. Ce cours de 15 heures ne vaudrait qu’un crédit et serait obligatoire à la formation des étudiants en science politique et en droit. «Je ne peux pas concevoir que des étudiants puissent graduer de notre Faculté qui se veut progressiste, sans avoir une compréhension de ce que sont des enjeux de violence sexuelle», explique le doyen de la Faculté de science politique et de droit, Hugo Cyr. Si tout se passe bien, le cours pourrait être implanté dans la formation des étudiants de la Faculté dès la prochaine année scolaire. Le doyen a également précisé que d’autres initiatives étaient discutées, telles des campagnes de sensibilisation, la création d’ateliers ou l’ajout d’encadrés dans les plans de cours.
Cette rencontre au sommet aurait eu lieu après les évènements du 7 décembre, où un étudiant du baccalauréat en relations internationales et droit international (BRIDI) aurait affirmé, dans une conversation avec des amis sur Facebook, qu’il avait l’intention d’agresser une étudiante et de la droguer au GHB dans une soirée « vins et fromages » prévue le 11 décembre.
Initiative militante
Le mois dernier, une équipe indépendante de recherche interuniversitaire a lancé une enquête sur la sexualité, la sécurité et les interactions en milieu universitaire. Cette enquête est la première du genre au Québec.
Des chercheuses de l’UQAM sont à l’origine du projet qui s’est finalement élargi pour inclure l’Université du Québec à Chicoutimi, l’Université Laval, l’Université de Sherbrooke, l’Université du Québec en Outaouais et l’Université de Montréal. «L’idée n’est pas de comparer les universités, on ne veut pas savoir où il y en a le plus, où il y en a le moins, ce n’est pas un palmarès», explique la chercheuse principale du projet et professeure au département de sexologie, Manon Bergeron.
Les étudiants et étudiantes, mais aussi les enseignants, chargés de cours, cadres et employés des universités sont invités à remplir un questionnaire confidentiel en ligne. «On veut documenter tous les gestes qui ont pu être posés par une personne de l’université envers une personne de l’université, que se soit à l’intérieur ou à l’extérieur des murs des institutions», explique Manon Bergeron.
Le questionnaire vise large, nul besoin d’avoir été victime de harcèlement pour y répondre. Il s’adresse à toute la population universitaire. Il inclut des questions sur les mesures de prévention ou les façons d’intervenir que les membres de la communauté préfèreraient, par exemple.
«Je ne me donnerais pas la peine de m’impliquer si je ne pensais pas pouvoir changer les choses. Être féministe, c’est à la base penser que l’on peut changer la société», affirme l’agente de recherche au Réseau québécois en études féministes (RéQEF), Sandrine Ricci, qui participe aussi à cette étude. Il y a un besoin de documenter pour avoir une compréhension de ce qui se passe, selon cette dernière. «Il y a une dimension sur la culture du viol, mais aussi sur la culture du silence qui règne dans l’enceinte des universités», ajoute-t-elle.
«Nous serons attentifs aux résultats de cette étude, dans le but d’éclairer notre réflexion et nos pratiques entourant la gestion des dossiers de harcèlement sexuel et de violence à caractère sexuel pouvant se produire sur le campus», a mentionné la porte-parole de l’UQAM, Jenny Desrochers, par courriel.
Malgré cela, les étudiantes et membres de l’exécutif de l’Association des étudiantes en études féministes (AEEF), Laurence Corbeil et Émilie Gagné, ont du mal à croire que les choses vont changer dans la façon de traiter les problèmes de harcèlement dans l’enceinte de l’université. «Le fait qu’une enquête sérieuse s’y penche va peut-être donner des munitions en faveur d’une réforme, mentionne Émilie Gagné. Le fait d’avoir des chiffres concrets devrait donner des appuis.»
Les premiers résultats de l’enquête seront partagés lors du colloque de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS), qui aura lieu du 9 au 13 mai 2016, à l’UQAM.
Photo: Félix Deschênes
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