Non, les États-Unis ne remettent pas en cause les accords environnementaux prévus par la conférence de Paris sur le climat (COP21), mais ils rappellent à leur président qu’il ne peut décider seul du virage vers une économie plus verte pour son pays, analysent des spécialistes de l’UQAM.
Le 9 février, la Cour suprême des États-Unis a décidé de stopper le controversé décret du président américain qui visait à limiter les émissions de polluants atmosphériques.
C’est davantage sur la forme que sur le fond, que le projet de réglementation des centrales au charbon (Clean Power Plan), a été bloqué par la Cour suprême des États-Unis. «Le cœur du problème, c’est qu’Obama outrepasse son pouvoir exécutif en imposant des décrets dès lors que le Congrès n’est pas de son côté», explique Rafaël Jacob, chercheur associé à la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). «C’est aux tribunaux inférieurs de décider, maintenant, si le décret sera validé», spécifie-t-il.
Si la réglementation entre en vigueur, la plupart des centrales au charbon seront considérées comme trop vétustes pour être mises aux normes et seront détruites. «Le charbon est une source d’énergie fossile très polluante. Les supprimer [les usines] règlerait en grande partie le problème des gaz à effet de serre (GES) aux États-Unis», affirme René Audet, directeur de l’Institut des sciences de l’environnement à l’UQAM. «L’objectif du gouvernement d’Obama est d’engager une relance économique verte, poursuit-il. Mais les États-Unis forment une mosaïque extrêmement complexe d’États et de cultures qui laissent une grande place à la liberté individuelle par rapport à l’intérêt collectif.»
Réticence à court terme
Les 27 États qui ont porté plainte de peur de voir leur économie s’effondrer cherchent à gagner du temps, selon Steven Guilbault, co-fondateur d’Équiterre. Celui-ci pense que le virage écologique des États-Unis est inévitable. «Le mouvement des climatosceptiques est en perte de vitesse, croit-il. Je serais étonné que la décision finale de la Cour suprême ne soit pas en faveur de ce décret, car elle avait statué, en 2007, sur la nocivité des GES.» L’administration Bush avait été sommée, à l’époque, de considérer les GES comme des polluants ou contaminants atmosphériques et à en réglementer les émissions.
Cependant, la décision de la Cour suprême risque de ruiner les efforts de la COP 21 à faire intervenir les pays dans le ralentissement du réchauffement climatique. «Ça envoie le mauvais signal pour la suite des procédures sur le contrôle du réchauffement climatique et ça donne des munitions aux autres pays réticents à réduire leur GES, comme l’Inde», déplore Charles Séguin, professeur au Département des sciences économiques de l’UQAM et spécialiste dans les coûts économiques de la lutte contre le réchauffement.
Les experts s’accordent pour dire que les accords de la COP 21 restent bien fragiles en cas de victoire des Républicains aux prochaines élections présidentielles. «C’est le problème des accords internationaux: il n’y a pas de mesure punitive lorsqu’un gouvernement ne respecte pas les accords ratifiés», se désole René Audet. «Le Canada s’est bien retiré du protocole de Kyoto sans qu’il n’y ait de conséquence diplomatique», illustre de son côté Charles Séguin.
Si Steven Guilbault rappelle que les accords de Paris auront été ratifiés avant l’élection présidentielle, il conçoit toutefois que cela n’empêchera pas les Républicains, s’ils arrivent au pouvoir, de revenir sur les promesses faites par Obama à Paris.
Photo : John Gillepsie
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