Mustang : Un hymne à l’émancipation des femmes

Se déroulant dans une campagne quelconque de la Turquie, Mustang illustre les perversions d’une société patriarcale corrompue par la religion. Le premier long métrage de Deniz Gamze Ergüven représentant la France aux Oscars frappe par sa beauté et sa poésie déconcertante.

La réalisatrice plonge les spectateurs dans l’univers de cinq jeunes filles démonisées par une Turquie conservatrice et contraignante. Les tentatives d’adoucissement des mœurs par la famille des cinq sœurs ne feront qu’attiser le feu du désir de liberté de celles-ci et provoqueront bon nombre de petites révolutions. Il s’agit d’un regard nouveau et original sur la condition actuelle des femmes. Gamze Ergüven émeut et propose un véritable hymne à la beauté des femmes.

Suite à une baignade avec des garçons de l’école, Lale et ses quatre sœurs se voient privées de tout contact avec le monde extérieur par leur oncle et leur grand-mère. Elles doivent à présent porter des robes conservatrices aux couleurs terreuses, apprendre la cuisine traditionnelle et se soumettre aux désirs des hommes. Après avoir subi des tests de virginité, trois d’entre elles doivent se marier et leur sentiment face à ce mariage n’a aucune valeur aux yeux des hommes. Trop jeune pour se marier, Lale est définitivement la plus révolutionnaire des cinq sœurs et elle tentera par tous les moyens de changer son triste sort.

Mustang est un récit classique en trois actes qui trouve son originalité dans ses thèmes et sa mise en scène. Certains se tromperont en comparant le film à Virgin Suicide (1999), car Deniz Gamze Ergüven nous fait vivre l’histoire d’un point de vue égal à celui des jeunes sœurs. De cette façon, il n’est jamais question de voyeurisme, mais plutôt de subjectivité. L’oppression vécue par les jeunes filles, nous la sentons aussi en tant que spectateurs. La caméra est en fait la sixième sœur et de cette façon nous avons l’impression de faire partie intégrante du récit.

Les cinq actrices percent l’écran avec leurs longs cheveux bruns et nous ne pouvons que nous attacher à la petite Lale interprétée par la très prometteuse Güneş Nezihe Şensoy. Même si elle n’a plus le droit d’aller en cours, elle continuera à lire et faire ses devoirs. C’est grâce à cette autonomie qu’elle sera la plus radicale des cinq sœurs et la plus susceptible à sortir de cette noirceur. À noter justement les nombreuses références à l’allégorie de la caverne de Platon.

Lale est l’héroïne de cette épopée et elle représente l’avenir, espérons-le, de la condition féminine mondiale. C’est justement ce qui touche dans ce film, nous avons l’impression de nous approcher de cette lumière qui éclairera enfin les esprits troublés par des croyances barbares et phallocrates. Nous avons affaire ici à un document important de l’histoire du cinéma.

Photo : Cohen Media Group

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