Fin poétique | Critique de la pièce «4.48 psychose»

Une femme suicidaire raconte ses tourments alors que les idées noires se bousculent dans sa tête, la faisant sombrer dans la dépression. Les hauts et les bas de cette souffrante sont magnifiquement interprétés par Sophie Cadieux dans la pièce 4.48 psychose, présentée par la compagnie Les songes turbulents au Théâtre La Chapelle jusqu’au 6 février.

Elle est jeune, mais malade. C’est la folie qui lui fait perdre la raison. Cette pensée dépressive, telle une pulsion de mort, rendue insoutenable, lui dicte de mettre fin à ses jours. C’est surtout cette impression de ne servir à rien, ce besoin existentiel d’être aimé, ce trouble intérieur et cette douleur lui déchirant les entrailles qui la pourchassent. Talonnée par cette pression sociale d’exceller dans la vie professionnelle et personnelle et par cette recherche sans limite de la perfection, du surpassement, elle n’en peut plus. À travers les tentatives de suicide infructueuses et la thérapie sous forte médication, cette femme dépeint une fresque des sentiments cachés, tabous en société, qui détruisent l’existence. La psychose la mènera vers la fin qui se pointera à 4h48, l’heure de son éternel repos auquel il n’y a aucun remède.

4.48 Psychose est le dernier texte laissé par la dramaturge britannique Sarah Kane avant qu’elle ne mette fin à ses jours en 1999. Il est ici traduit par Guillaume Corbeil et mis en scène par Florent Siaud avec Sophie Cadieux, dont l’interprétation de ce rôle restera dans les mémoires. La pièce traite de l’anxiété qui se transforme en dépression, de la violence faite envers soi qui mène vers le suicide et de la maladie mentale qui fait passer des moments d’ombres à la protagoniste, seule sur scène, seule dans sa fatalité. Elle livre son histoire sans réserve, dans un langage cru, comme un dernier cri.

Ce sont d’abord et avant tout les mots qui marquent. Le texte est à la fois puissant et poétique. Il frappe par les images, les métaphores, mais aussi par le message qu’il livre, transmettant la complexité de cet état anormal. Le discours de la place des troubles mentaux en société entre en jeu. Il illustre la part de l’être humain en société et ce qui se cache derrière ce masque lorsque les épisodes obscurs de l’existence tracassent la vie intime et qu’il faut tenir secret en public.

Confinés dans l’intimité de la salle, les spectateurs se voient offrir une proximité avec la scène et un contact privilégié aux sensations retransmis par le jeu de la comédienne. Invités dans cet univers tragique, ils sont plongés dans cette ambiance obscure, inquiétante, saturée de la couleur rouge. Les projections, la musique et les voix ajoutent à l’expérience et contribuent à recréer cet état de démence.

La pièce ne tire pas les larmes aux yeux, le personnage n’inspire pas de pitié, mais plutôt de l’empathie. Elle peut être troublante, mais elle tente de présenter le point de vue intérieur de la psychose. Elle propose au final des questionnements sur l’identité et le rôle que chacun occupe sur Terre.

5/5

Photo : Nicolas Descôteaux

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