Jeux de hasard | Critique de la pièce «Le Joueur»

Tenter de prédire l’issue du hasard, c’est tenter de contrôler un destin qui refuse d’obéir. C’est là le plus grand mal des personnages du Joueur, pour qui la roulette est un mode de vie, et qui risquent d’y laisser leur peau.

Initialement intitulé Roulettenbourg, du nom de la ville où se déroule l’action, Le Joueur est la pièce choisie par le Prospero pour célébrer ses 40 ans d’existence. Pour une quatrième fois, Le Groupe de la veillée donne vie aux personnages dostoïevskiens, une histoire d’amour qui remonte à 1984 avec L’idiot.

C’est un texte toujours très à propos qui est présenté au spectateur. Un texte intemporel qui traite de passion: celle du jeu, de l’amour, du désir. La passion de la puissance conférée par l’argent, également, et la folie du joueur qui tente de maîtriser le hasard.

L’amour par le jeu

Dans une ville imaginaire d’Allemagne ayant pour principal attrait le casino, Alexeï Ivanovitch doit composer avec son amour pour Paulina Alexandrovna. Dans ce jeu dangereux, le pouvoir pèse certainement dans la balance. Entre le timide Anglais, Mr Astley, ou le grincheux Marquis de Grieux, même Paulina ne saurait prédire quel chemin prendra son cœur. Un «carré amoureux» tout en subtilités qui reflète bien les zones ambiguës des relations humaines.

Au bord du gouffre financier, les personnages sont en attente de l’héritage qui suivra inexorablement la mort de l’aïeule Baboulinka, une Russe qui ne s’en laisse pas imposer. Celle-ci partie, l’argent encaissé, enfin la vie pourra reprendre. Tout ce mélange hétéroclite d’individus tourmentés se tournera à nouveau vers le divin enfer du casino; faites vos gains mesdames et messieurs!

Enfin, si Baboulinka veut bien se décider à partir.

Pulsations de vie

«C’est un spectacle qui demande une énergie particulière» annonce d’emblée aux spectateurs la directrice artistique, Carmen Jolin. Une énergie puissante, mystérieuse chez tous les personnages, qui intrigue le spectateur jusqu’à la toute fin.

Par cette pièce, le metteur en scène Gregory Hlady a voulu «régler des comptes avec Dostoïevski, a-t-il affirmé au Devoir, le décaper un peu de sa dorure.» Hlady reproche à l’auteur le chauvinisme de la pièce. «C’est terrible ce qu’il dit : que les Russes doivent apprendre à tout le monde comment vivre, parce qu’ils sont investis de la mission d’une troisième Rome…» Cette pièce qui refuse les demi-mesures et qui, Hadly l’espère, saura faire rire le spectateur, c’est un peu les adieux du metteur en scène à cet auteur qu’il aime et haït.

Ode à la vie, à la Russie, critique des peuples qui se renferment dans une rigueur calculatrice, Le Joueur est un deux heures bien investi, malgré certaines longueurs probablement inévitables. Le récit, pourtant relativement banal, gardera le spectateur en éveil jusqu’à la fin grâce à une mise en scène originale, pimpante, bref, vivante.

Photo: Matthew Fournier

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