Bourget et ses promesses

C’est un léger arrière-goût d’urgence qui subsiste lorsque l’ambassadeur de la France au Canada, Nicolas Chapuis, termine son discours à propos de la Conférence de Paris 2015 sur le climat (COP21) à l’UQAM le 21 janvier. Bien qu’acceptée par 195 pays présents au Bourget, la lutte contre les changements climatiques est loin d’être terminée.

Pour la première fois dans l’Histoire, la COP 21 a permis de créer un accord universel sur un bien commun, ce pourquoi Nicolas Chapuis la qualifie de réussie malgré les critiques de certains. Ce succès est selon lui basé sur l’heureux mélange de trois facteurs importants : l’alignement politique de chacun des pays, la reconnaissance des changements climatiques et le travail diplomatique efficace. Même son de cloche chez le directeur de l’Institut des sciences de l’environnement, René Audet, présent à la seconde semaine des négociations parisiennes. Selon lui, «le discours environnementaliste était beaucoup plus présent dans les discussions, alors que le discours économique, lui, a bien changé.» L’idée d’une économie sobre en carbone s’est concrétisée pour remplacer le concept économique actuel.

Ambitieux, mais non-punitif

«On a réussi à ajouter des éléments à l’Accord que plusieurs gros joueurs refusaient au début de la Conférence», se réjouit René Audet. La modification de l’objectif «très politique» de limitation du réchauffement planétaire à 1.5 degrés Celsius en est un exemple. Ambitieux, comme le qualifient Nicolas Chapuis et René Audet, l’accord oblige les pays signataires à revoir à la hausse leurs objectifs à chaque cycle de cinq ans, et ce, à partir de 2020. Non-punitif, «il vise à encourager ses membres à se surpasser, pour atteindre le pic des émissions de gaz à effet de serre le plus rapidement possible», précise l’ambassadeur.

Cependant, il n’existe aucune instance juridique pour punir un pays qui n’atteint pas ses objectifs, à l’instar de la Cours pénale internationale. Il serait en fait difficile de menacer économiquement un pays pour qu’il atteigne son objectif. «L’Organisation mondiale du commerce, qui est plus puissante que tout accord sur le climat, a pour mission d’empêcher l’imposition de contraintes à la libre circulation de marchandises ou de services pour quelque raison que ce soit», rappelle le directeur de l’Institut des sciences de l’environnement.

Une autre nuance doit également être clarifiée. L’Accord de Paris en tant que tel ne permettra pas de sauver la planète, il s’agit plutôt d’un «cadre qui doit être utilisé par les États pour améliorer leurs politiques climatiques et augmenter leurs ambitions de réductions de gaz à effet de serre (GES)», martèle René Audet. Aux yeux du directeur de l’Institut des sciences de l’environnement, si on considère l’accord comme l’unique solution dans cette lutte, c’est un échec. «Ce n’est pas lui qui décide si on utilise notre voiture pour faire quatre coins de rue pour aller à l’épicerie, ou qui installe un système de transport en commun dans les municipalités, ajoute-t-il. C’est un engagement de mettre sur pied des mécanismes institutionnels pour gérer les enjeux climatiques.»

C’est bien tout ça, mais…

À partir de 2020, 100 milliards de dollars américains seront remis par les pays occidentaux aux pays plus à risque des conséquences reliées aux changements climatiques, et ce montant devrait augmenter avec les années. Toutefois, en cas de graves catastrophes, rien dans l’accord n’oblige les pays fournir une aide financière; ils y seraient tout au plus fortement encouragés. «C’est injuste. Le problème, c’est que le montant relié aux conséquences des catastrophes est imprévisible. Aucun pays ne veut se commettre à rembourser. Ça relève d’une question de justice climatique, idée très souvent abordée lors des débats», nuance René Audet.

Bien que présents tout au long de l’assemblée au Bourget, les peuples autochtones n’ont pas été entendu lors de la COP21, comme le fait remarquer l’agent de liaison pour le Wampum à deux voies du Conseil Traditionnel Mohawk de Kanhawake et ancien chargé de cours à l’UQAM, Raymond Stone Iwaasa. «Aucun des 17 points présentés par les peuples autochtones n’ont été retenus lors de la convention. Les représentants sont très déçus», constate celui qui a suivi la délégation du Québec à Paris.

Les Autochtones présents à Paris ont tenu à proposer un autre paradigme pour aborder la question des changements climatiques, en redonnant à la nature ses droits de jadis. Il ne serait plus question de commercialiser la nature, comme c’est le cas actuellement, mais plutôt de vivre en harmonie avec cet environnement que l’Homme s’est trop longtemps approprié, en lui redonnant son côté sacré. Lors de la conférence à l’UQAM, Raymond Stone Iwaasa a tenu à souligner la possibilité d’apporter à la science occidentale certains éléments de la science autochtone, ce qui, selon ses dires, permettrait peut-être de trouver des solutions aux problèmes environnementaux actuels.

Comme le rappelle René Audet, les enjeux soulevés lors de la COP21 sont «hyper complexes», bien que la conclusion de cette conférence ait été fort réussie. Reste à voir comment elle évoluera dans le temps.

Photo : Frédérik Giguère

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