Expulsion étudiante

Des professeurs du département des sciences juridiques de l’UQAM questionnent le processus disciplinaire de l’Université suite à un jugement rendu par la Cour Supérieure du Québec le 21 septembre dernier, en lien avec l’expulsion de l’étudiante Justine Boulanger.

Après avoir été expulsée pour un an par le Comité exécutif de l’UQAM, l’ex-membre étudiante au Conseil d’administration a demandé à la Cour Supérieure du Québec de se pencher sur la procédure employée par l’établissement d’enseignement. Or, la juge Hélène Le Bel a donné raison à l’administration de l’Université.

Le jugement stipule, en ce qui a trait à la conformité de la démarche employée aux règlements de l’Université, que: «le Comité exécutif aurait pu constituer un comité pour entendre la cause et prescrire sa procédure, mais ce n’est pas ce qu’il a choisi. […] Le Tribunal conclut que cette décision et cette interprétation des règlements de l’Université méritent déférence et qu’il n’y a pas matière à intervention.»

Reprenant une lettre signée par 17 collègues du département et envoyée au Comité exécutif le 25 mars dernier, la professeure de droit à l’UQAM Lucie Lemonde questionne la décision rendue par la juge Hélène Le Bel le 4 septembre dernier. Pour celle qui a longtemps travaillé en milieu carcéral, c’est le devoir d’agir équitablement qui a fait défaut, notamment le droit à la représentation par avocat. «Si un détenu a le droit à cela [lorsqu’il fait face au tribunal interne d’une prison], pourquoi pas une étudiante qui fait face à l’expulsion», souligne Lucie Lemonde. Le jugement d’Hélène le Bel s’est aussi prononcé sur la représentation par avocat et les droits énumérés par les professeurs de l’UQAM dans leur lettre. «Le droit d’être traité équitablement ne va pas aussi loin, tranche la juge. Il n’existe aucune justification pour importer dans un cas comme celui-ci toute la panoplie des droits procéduraux du droit pénal ou du droit civil.»

Règlement réclamé

Le jugement a également fait sourciller le professeur Jean Baril, qui impose désormais cette lecture à ses étudiants. Il souligne que la gravité des conséquences encourues par l’étudiante – l’expulsion de l’Université – devrait entraîner une équité procédurale telle que suggérée dans la lettre envoyée à l’administration. Il se questionne également sur le danger qu’a entraîné la position de juge et parti dans laquelle s’est retrouvée l’UQAM. C’est en s’appuyant sur l’avis proposé par une de ses propres composantes que l’Université y est allée de sa décision d’expulsion. «C’est inquiétant, ajoute-t-il, qu’un service [de la prévention et de la sécurité] suggère l’expulsion définitive pour une simple levée de cours.» Le service de l’Université, notamment en charge des caméras de sécurité, avait fait cette recommandation au Comité exécutif qui a finalement opté pour une expulsion d’un an.

Le fait que Justine Boulanger n’ait pas pu connaître d’avance les faits qui lui étaient reprochés devrait inciter la communauté uqamienne à réclamer un règlement sur les infractions de nature disciplinaire, selon Jean Baril. Le fait qu’elle n’ait pas pu entendre ni contre-interroger les deux témoins entendus par le Comité exécutif, ainsi que la possible partialité du comité lors d’un jugement à l’encontre d’une étudiante y siégeant habituellement sont également des facteurs à prendre en compte, pense le professeur. «On n’a rien de prévu à l’UQAM pour des infractions disciplinaires», se désole-t-il avant d’expliquer que la nature militante de l’Université entraînera d’autres cas de levées de cours qui devront, s’ils dérapent, être de nouveau gérés par le Comité exécutif.

La porte-parole de l’UQAM, Jenny Desrochers, rappelle que «le traitement des dossiers disciplinaires des étudiants est déjà prévu dans le Règlement 10.» L’article 4.1.3 a) stipule que l’université a le droit de donner un avertissement ou d’expulser définitivement ou pour une période désirée un étudiant commettant un acte illégal. La décision doit, selon ce même règlement, être rendu par le Comité exécutif. À moins que la cause ne soit portée en appel, la décision rendue par la juge Le Bel entérine ainsi la lecture faite par le Comité exécutif du Règlement 10.

Les faits reprochés à Justine Boulanger datent du 3 avril 2014. Le Comité exécutif soutien que l’étudiante a agi comme leader lors d’une levée de cours dans le pavillon De-Sève et aurait même donné l’ordre de faire venir des chiens. Selon des images captées par le service de prévention et de sécurité et selon les témoignages de deux personnes, deux chiens tenus en laisse seraient entrés dans l’Université et auraient suivis la chargée de cours dont la séance a été levée jusqu’au métro. Le Comité exécutif a entendu Justine Boulanger le 11 juin 2015 et a décidé de l’expulser de l’UQAM pour la durée d’un an.

 

Photo : Alexis Boulianne

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