Moins nombreuses, les femmes qui œuvrent dans les arts numériques manquent de soutien dans leur domaine, prédominé par les hommes.
Minoritaires et victimes de préjugés, les artistes féminines qui pratiquent les arts médiatiques ont longtemps occupé une place inférieure dans le milieu. Des organismes féministes ont été créés pour contrer cette discrimination pour permettre aux femmes d’imposer leur présence. Parmi ceux-ci, le Studio XX a pour mission de donner toute la parole aux femmes.
Dans le cadre d’une résidence de huit semaines au Studio XX, Léa Jeanmougin, artiste en art visuel, travaille sur un projet à caractère féministe. «En tant qu’artiste, le Studio XX m’apporte un cadre qui légitimise ce que je suis en train de faire», proclame-t-elle. Au cœur de ses préoccupations artistiques, l’histoire des femmes est pour elle un pilier auquel elle s’accroche lors de sa démarche créative. «La promotion des femmes me tient à cœur. C’est
un intérêt personnel, raconte- t-elle. Promouvoir des causes d’évolution sociale est important pour moi, que ce soit dans les mentalités envers les femmes ou dans la différence culturelle.» Elle voit son expérience de résidence comme un tremplin dans le monde des arts. «Cela me donne de la crédibilité. Si un organisme m’a déjà donné sa confiance, cela veut dire que mon projet vaut la peine d’être développé», indique-t-elle.
Ancienne artiste en résidence au Studio XX, Emily Pelstring se démarque maintenant en tant qu’animatrice vidéo. Elle garde un souvenir tangible de son expérience. «J’ai eu accès à plusieurs ressources. Le soutien que j’ai reçu dans le cadre d’un projet artistique et la liberté de création que m’ont donné le centre m’ont permis de créer le travail que j’avais imaginé dans ma tête», note-t-elle. Elle voit le Studio comme une belle école où elle a pu développer ses compétences en tant qu’artiste. Elle soutient que sa pratique s’est développée thématiquement et esthétiquement depuis sa résidence.
Seul centre d’artistes en art numérique autogéré à perspective féministe au Québec, le Studio XX offre un soutien à la production, à la création et à la diffusion aux femmes ou transgenres. Il s’agit d’un organisme à but non lucratif voué au rayonnement des femmes des arts numériques qui leur offre des formations, des espaces de création, de l’équipement et un soutien dans leurs démarches artistiques. L’origine de son nom, qui fait référence aux chromosomes féminins, permet de mieux comprendre sa mission. «Si on remonte à sa création en 1996, il y avait très peu de femmes dans le milieu et elles avaient très peu de visibilité. Les fondatrices ont créé cet organisme pour pallier ce déficit», illustre la chargée de développement et coordonnatrice à la communication, Gwenaëlle Denis. Les artistes fréquentent le Studio XX pour ses ateliers et conférences. Les aspects diffusion, présentation d’artiste et exposition leur offrent aussi une visibilité avantageuse.
Un milieu d’hommes?
Dans le domaine des arts numériques, les femmes sont moins présentes. «Dans les festivals d’art, si on regarde la place qu’occupent les femmes dans l’art numérique, il y en a très peu, d’où l’intérêt du Studio XX», remarque Gwenaëlle Denis. Selon la professeure au Département d’histoire de l’art et membre de l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF), Thérèse St-Gelais, il y a une forme de discrimination et certains préjugés à l’égard du travail artistique des femmes. Celles-ci peuvent, encore aujourd’hui, subir des torts dans le domaine des arts. Alors que l’homme sera reconnu strictement pour son travail artistique, l’œuvre de la femme sera perçue différemment. «Certains pourraient y reconnaître des particularités qu’on ne reconnaîtrait pas chez le travail de l’homme artiste, parce qu’il pourrait y avoir une perspective différente dans le travail des femmes», affirme Thérèse St-Gelais.
Le sexisme est présent, mais il n’est pas visible, il est davantage sous-entendu et implicite. «On ne spécifiera jamais qu’il s’agit d’une exposition d’un artiste masculin, mais on dira que c’est l’exposition d’une femme artiste, elle sera qualifiée», explique- t-elle. Cette dernière se réjouit qu’un tel centre existe pour faire valoir le travail des femmes artistes et puisse faire avancer la cause du rapport des femmes avec l’art. Quant à Emily Pelstring, elle croit en l’avenir de l’organisme qui fait avancer la cause des artistes femmes. «J’espère que les femmes vont gagner plus de reconnaissance et de possibilités à l’avenir et je pense que le Studio XX travaille diligemment en fonction rendre cela possible.»
Doyenne de la Faculté des arts et théoricienne des arts médiatiques, Louise Poissant ne constate pas de discrimination. «Lorsque le Studio XX a été créé, il y avait moins de femmes dans le milieu, mais de nos jours, les femmes sont autant présentes que les hommes. J’évaluerai les proportions à moitié-moitié», estime-t-elle. Elle remarque que plusieurs femmes s’illustrent dans le domaine des arts numériques. «Par exemple, Gisèle Trudel dirige Hexagram, le centre universitaire des arts médiatiques de l’UQAM ou encore Monique Savoie dirige la Société des arts technologiques», constate-t-elle.
Les rapports entre la quantité d’hommes et de femmes qui pratiquent les arts médiatiques ne sont pas comptabilisés pour le moment. Le Conseil québécois en arts médiatiques (CQAM) travaille présentement sur une étude pour obtenir des données quantitatives afin de pouvoir dresser un portrait plus juste quant à ces artistes.
Laisser un commentaire