Les stations radiophoniques et les salles de spectacle québécoises mettent de plus en plus d’artistes franco-canadiens à l’avant-scène. L’air ne fait pourtant pas la chanson dans la Belle Province, où une meilleure visibilité ne se traduit pourtant pas en un succès assuré.
Les artistes franco-canadiens jouissent d’une panoplie d’outils qui assurent leur succès local, mais captiver le public québécois est loin de leur être garanti. Rares sont ceux qui réussissent à se faire connaître au Québec sans suivre le modèle de la province. «Il est presque nécessaire d’être signé à une maison de disques québécoise ou de collaborer avec des artistes d’ici afin d’être reconnu», note l’ancien journaliste musical à la Télévision française de l’Ontario (TFO), Félix Hallé-Théoret.
Le marché québécois de la musique est fondé sur un modèle très spécifique et assez unique, confirme la directrice générale de l’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM), Nathalie Bernandin. L’organisation a pour mission de promouvoir et d’appuyer les artistes franco-ontariens. «Pour avoir du succès de l’autre côté de la rivière Outaouais, il faut une machine qui a déjà son pied dans la porte», rapporte-t-elle en faisant référence aux maisons de disques québécoises. «L’Ontario a très peu de labels francophones, se désole le claviériste et le chanteur de Pandaléon, Frédéric Levac. Je les connais et je n’aime pas la façon dont ils travaillent. Nous n’étions même pas à la recherche d’un contrat en Ontario avant qu’Audiogram nous en offre un au Québec.» Nathalie Bernandin attribue d’autre part l’engouement pour la musique franco-canadienne des maisons de disques québécoises à Vitrines musicales, le programme lancé en 2009 par Musicaction pour venir en aide aux artistes francophones en situation minoritaire. Cet organisme encourage le développement de la musique canadienne.
Maîtres chez nous
Les publics francophones d’ailleurs au Canada accueillent bien les chanteurs de la langue de Molière, juge Félix Hallé-Théoret. «C’est une question de communauté. Les artistes franco-locaux sont presque toujours bien reçus, mais certaines villes sont plus ouvertes à la musique en français que d’autres», estime-t-il. Le Réseau Ontario, comme d’autres réseaux, permet aux artistes franco-canadiens d’être connus localement sans avoir à percer au Québec, selon lui.
Frédéric Levac remarque que c’est rarement pour des questions de langue qu’une ville préfère Pandaléon. «On a déjà fait des spectacles à Toronto où près de la moitié de la foule était composée d’anglophones qui sont restés écouter le show sans comprendre un mot de ce que je chantais, mais qui ont quand même tripé», note-t-il. Le chanteur rappelle que l’inverse est aussi vrai. Pandaléon a vécu de mauvaises expériences à deux reprises à Timmins, une ville ontarienne à moitié francophone. «Tant que les gens peuvent apprécier la musique, la langue qu’ils parlent n’importe pas», résume-t-il.
D’après Nathalie Bernandin, être connu à travers le pays est loin d’être une tâche facile pour les Franco-ontariens, mais celle-ci devient de plus en plus envisageable. «Pour les artistes ontariens, le Réseau Ontario est un excellent point de départ. Faire plusieurs spectacles autour de la province dans un court laps de temps est super, mais il faut que l’artiste et son gérant fassent du bon travail de leur bord aussi afin de propager ce succès dans le reste du pays, prévient-elle, ajoutant qu’il est important de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier.»
La culture franco-ontarienne
La décision de Pandaléon de s’associer à Audiogram ne compromet point l’amour que ses membres ont pour l’Ontario. «J’aime le public québécois. J’ai énormément de respect pour le Québec, mais je n’ai pas d’appartenance au Québec, nuance Frédéric Levac, qui se dit Franco-ontarien et fier de l’être. Mais cela ne veut pas dire pour autant que je vais sortir mon drapeau vert et blanc et être anti-québécois, anti-anglophone, anti-tout sauf anti-franco-ontarien. Je veux jouer partout au Canada et promouvoir la culture de l’Ontario français.» Il rappelle que l’Ontario francophone a subi de profonds creux culturels au cours des 15 dernières années.
De son côté, Félix Hallé-Théoret souligne que les artistes francophones convergent de plus en plus vers la culture québécoise. «Je crois que la scène musicale francophone deviendra de plus en plus intégrée, et que la distinction entre les artistes québécois franco-canadiens sera minime, comme on le voit déjà avec les Acadiens», commente-t-il. Frédéric Levac demeure plus optimiste. «Il y a de nouveaux artistes franco-ontariens qui émergent tous les jours. Je ne serais pas surpris s’il y en avait deux fois plus d’ici 10 ans», prédit-il.
Crédit photo: Pandaléon
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