Des sceptiques pas confondus

L’eau qui coule des glaciers du Groenland peine à rivaliser en volume avec l’encre qui a coulé au sujet des changements climatiques. Malgré l’apparence de consensus, certains Québécois doutent encore que l’homme est responsable de ces perturbations.

Depuis plus d’une quarantaine d’années, plusieurs scientifiques sonnent l’alarme: la Terre se réchauffe, et l’activité humaine en est la cause. Une partie des spécialistes remet toutefois en doute les conclusions qui pointent du doigt les habitudes énergétiques de l’homo Sapiens. Selon un sondage CROP-L’actualité réalisé en 2010, 15 % des Québécois sont contre l’affirmation que le climat se réchauffe en raison de l’homme. Les climato-sceptiques vont à contre-courant du discours dominant. Ils sont très présents dans la blogosphère, mais aussi sur les ondes de certaines radios du Québec, ainsi qu’à travers la voix de politiciens, de journalistes et de scientifiques.

Professeur d’écologie à l’Université Laval, André Desrochers fait partie des climato-sceptiques. «Je ne nie pas qu’il y ait des changements climatiques et qu’il continue d’en avoir, ni que l’humain ait quelque chose à voir avec les changements climatiques récents. Par contre, je crois que c’est arrogant et un peu naïf d’affirmer avec certitude que c’est le cas, comme certains le font. Je préfère qu’on livre un message nuancé», résume-t-il. Selon lui, la littérature scientifique n’est pas aussi unanime qu’on pourrait le croire quant à la responsabilité de l’humain dans le dossier. «C’est une réalité que les gens ne constatent pas, parce qu’il reçoivent une quantité d’informations biaisées ou même filtrées par certains journalistes, entre autres, qui sans l’avouer ont aussi leur agenda personnel et leur système de croyance», reproche-t-il.

Coordonnateur au Regroupement québécois des groupes écologistes, Bruno Massé a tenté de déconstruire les arguments des sceptiques, par le biais de chroniques publiées notamment dans le Huffington Post. «Ma position, je l’ai étayée, et je suis clairement en désaccord avec les climato-sceptiques. C’est soit ignorant, soit mal intentionné de les appuyer», avance le géographe de formation. À son avis, cette vision des choses est en partie politique. «C’est un peu la nature même du conservatisme, de maintenir ses croyances devant des données empiriques», tranche-t-il. Pour lui, la stratégie des climato-sceptiques est la même que celle du lobby du tabac ou de l’industrie pétrolière. «On introduit le doute et ça suffit souvent pour changer le débat de place. Alors on se met à se demander si les changements climatiques existent ou pas, au lieu de se demander ce qu’on devrait faire pour les régler», se désole-t-il. D’après Bruno Massé, il est contre-productif de débattre si les changements climatiques sont réels ou pas, même si le débat pourrait convaincre certains sceptiques. «Cela dit, je trouve ça important pour l’éducation. S’il y a des gens qui ne croient pas aux changements climatiques, il faut qu’on puisse en parler», affirme-t-il.

Un terrain d’entente

Bruno Massé et André Desrochers déplorent l’utilisation des enjeux climatiques à des fins politiques. «Nos politiciens n’ont pas l’air de comprendre le Québec physique, ce sont des économistes, des notaires, des avocats», souligne Bruno Massé. André Desrochers, quant à lui, critique l’implication de personnalités qui n’appartiennent pas au domaine de de la science. «Se baser sur Al Gore ou sur Leonardo DiCaprio, qui ne sont pas du tout des scientifiques, c’est un peu tendancieux, affirme-t-il. Quand on est rendu à s’adresser à des artistes ou des comédiens pour former notre opinion sur les changements climatiques, il y a un problème.» Pour ces deux scientifiques, la science n’a pas la place qu’elle mérite sur la place publique. «[Les scientifiques] sont marginalisés, souvent on ne les fait pas parler. On dit qu’ils sont trop plates, pas assez jazzés, raconte Bruno Massé. On n’est pas tous des Neil de Grasse Tyson!»

Là où les deux groupes adverses baissent les armes, c’est pour exhorter la population à s’informer davantage sur le sujet des changements climatiques. «Pour bien s’informer, il est bon de se familiariser avec la démarche scientifique, comment on valide quelque chose qui est vrai ou pas», recommande Bruno Massé. «Moi-même, je suis géographe, pas climatologue. Je ne peux pas nommer plus que trois sortes de nuages. C’est dur, et c’est vrai que peu de gens vont se taper les milliers de pages d’études du GIEC (Groupe international d’étude sur le climat), mais il faut faire un effort», continue-t-il. Même son de cloche du côté d’André Desrochers. «Il faut varier ses lectures. Si on a juste une source, on va voir les choses de manière monochrome, prescrit ce dernier. Ça peut être inconfortable de lire un propos contraire à nos préjugés, mais c’est important de le faire», poursuit-il.

Même si les propos de certains membres de la communauté scientifique divergent sur le sujet, la population québécoise se démarque du reste de l’Amérique par l’uniformité de son opinion. Selon le dernier coup de sonde, les sceptiques québécois forment une minorité, soit 15% de la situation, alors qu’en Alberta ou aux États-Unis, une grande part des citoyens ne croient pas à la responsabilité humaine des changements climatiques.

Crédit photo : Pixabay

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