Cachez ce chien que je ne saurais voir

Les autorités montrent les dents aux propriétaires québécois de pitbulls. L’espèce canine controversée voit son terrain de jeu limité par les préjugés et la discrimination. 

La légalité des pitbulls ainsi que les caractéristiques déterminantes de ce regroupement de races de chiens varient d’un arrondissement à l’autre dans plusieurs villes, dont Montréal. Même dans les quartiers où le pitbull est permis, comme à Outremont jusqu’en décembre, les propriétaires de ce type de canin se font réprimander. «Il y a deux ans, une famille d’Outremont nous a apporté un super beau pitbull qui ne démontrait aucun comportement agressif, d’après notre comportementaliste», raconte la coordonnatrice aux relations de presse de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) Montréal, Anita Kapuscinsk. Ceux-ci ont apporté leur chien à la SPCA de peine et misère après qu’un voisin se soit plaint maintes fois à la municipalité parce qu’il ne se sentait pas en sécurité, explique-t-elle, qualifiant le moment de «très triste».

Des épisodes semblables se produisent fréquemment, soutient la fondatrice de S.O.S. Bull Terriers Québec, Kim Scalisi. Son organisme a pour but de faire connaître d’un côté positif les bull terriers et de faciliter leur adoption. Elle croit que les pitbulls sont perçus négativement par la société pour des raisons extérieures au comportement de l’animal lui-même. « C’est un chien qui requiert un humain avec beaucoup d’expérience, et parce que les mauvais propriétaires ne comprennent pas le comportement du chien, les médias s’en prennent à eux, et la panique générale s’ensuit.» Anita Kapuscinsk ajoute que n’importe quel chien bien élevé se comportera adéquatement, et que les canins peu socialisés et mal élevés sont plus susceptibles d’être agressifs. Cette dernière soutient d’ailleurs que les villes ayant banni les pitbulls n’ont pas été victimes de moins de morsures.

La ville de Sherbrooke a longtemps interdit certaines races de chiens dans son territoire. «Nous avons banni les pitbulls à la fin des années 90 lorsqu’une jeune fille a été blessée par un de ces chiens, précise la greffière adjointe de la ville de Sherbrooke, Line Chabot. Cet incident a créé un tollé médiatique et le conseil a subi des pressions pour interdire le pitbull tout en donnant des droits acquis à ceux qui en étaient déjà propriétaires.» Après la fusion de Sherbrooke avec huit autres municipalités en 2002, son territoire était le seul à interdire le pitbull.

Sherbrooke et les municipalités fusionnées n’ont pas discuté les dispositions de la loi sur les races interdites. Leur objectif est d’éventuellement s’entendre sur la question des pitbulls et d’unifier le règlement. En novembre, Sherbrooke a décidé d’éliminer ses législations contre les canins. «La SPA nous a rapporté qu’il était difficile de bien appliquer le règlement puisque la loi changeait d’une intersection à l’autre», fait-elle savoir. Certains citoyens poursuivis parce qu’ils étaient propriétaires du chien étaient acquittés par des juges qui critiquaient le côté discriminatoire du règlement municipal. «Ils avaient raison, établit la greffière adjointe de la ville. Nos lois étaient basées sur des croyances subjectives, appuyées par aucune donnée, et ce règlement ne faisait que répondre à une peur collective que les gens et les médias ont créé au fil du temps.»

D’après Anita Kapuscinsk de la SPCA de Montréal, cette peur collective a affecté d’autres canins dans le passé et en affectera davantage dans le futur. «Avant que les pitbulls aient une réputation négative, c’était les rottweilers, les dobermans et les bergers allemands qui suscitaient des inquiétudes», remarque-t-elle. Le pitbull a déjà eu une image positive. «Il a déjà été perçu comme la mascotte des États-Unis, comme on peut voir dans le film Little Rascals, et même un héros de guerre. C’est un chien qui adore les humains et qui, génétiquement, a l’instinct d’être le protecteur de sa famille», observe Kim Scalisi.

La SPCA de Montréal encourage les arrondissements et les municipalités à adopter des règlements progressistes et éthiques en ce qui concerne les pitbulls et les animaux en général. «Les municipalités adoptant des législations bannissant les pitbulls veulent créer une sorte de sécurité pour leurs citoyens, mais c’est une fausse sécurité qu’ils créent. Ce qu’ils font ne réduit pas les incidents et ce qui a trait aux morsures de chiens», affirme Anita Kapuscinsk, qui confirme d’ailleurs que la SPCA révise à l’heure actuelle avec plusieurs municipalités montréalaises leurs lois sur les races interdites.

S.O.S Bull Terrier Québec se dit prêt à faire des concessions en ce qui a trait à la légalité des pitbulls. «Dans le pire des cas, on pourrait exiger le port d’une muselière, parce qu’on peut s’entendre sur le fait que bannir une race de chiens ne baissera pas le nombre de morsures, comme c’est le cas en Ontario, qui a banni les pitbulls depuis 2005», insiste Kim Scalisi. Line Chabot est plus ferme. «Il n’y a aucune nécessité d’imposer des restrictions à une certaine race de chiens si elle peut bien vivre avec les autres, lance-t-elle. il vaut mieux faire des dispositions sur les chiens dangereux en procédant à des évaluations comportementales afin de juger des circonstances plutôt que des races.»

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Pas de pitbull dans ma cour!

Anjou, Lachine, Outremont, Pierrefonds-Roxboro, Saint-Laurent, Saint-Léonard interdisent le pitbull.

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