Les emos, 10 ans plus tard

Sans retrouver les jeunes mélancoliques aux cheveux arc-en-ciel ou plus sombres des années 2000, la mode emo a su évoluer dans la culture musicale et vestimentaire.

Mode bien connue des années 2000, le emo a fait plus d’un adepte avec ses thèmes tristes, ses coiffures extravagantes et sa musique hardcore. Après toutes ces années, elle est toujours là, simplement sous une autre forme, et a entre autres inspiré le style hipster.

Le mouvement était à son apogée il y a environ 10 ans, entre 2005 et 2008, estime la professeure à l’École supérieure de mode de Montréal, Mariette Julien. «Le style emo s’inspirait directement du gothique et du punk, mais avec une attitude plus romantique, explique-t-elle. On le reconnaissait aux vêtements sombres, aux cheveux qui cachaient le visage, au maquillage massif et charbonneux.»

L’habillement de l’ancienne adepte de la tendance, Fanny Le Ber, correspondait bel et bien aux stéréotypes de cette culture. «Je portais beaucoup de noir, mais aussi beaucoup de morceaux avec des motifs, notamment de la marque Emily The Strange», énumère l’esthéticienne. La mode était aux pantalons serrés et à l’excentricité. Fanny Le Ber a côtoyé des garçons qui portaient des pantalons achetés dans des boutiques d’adolescentes, qui coiffaient leurs cheveux en une grosse frange qui leur couvrait le visage et se maquillaient légèrement. Des adolescentes allaient jusqu’à porter le tutu et faire une coiffure surnommée le «coq», puisque les cheveux devaient rester dressés sur la tête toute la journée.

Selon Mariette Julien, la mode emo n’a pas disparu, mais a évolué vers un autre style. «Il y a encore des tendances emo dans notre société, mais de nos jours ça ressemble beaucoup plus au style hipster, car on trouve encore des éléments originaires du style emo, comme le chapeau, les vêtements sombres ou les pantalons serrés», affirme-t-elle.

La mode emo représentait également l’appréciation musicale, chose que l’on retrouve encore aujourd’hui chez les personnes qui portent un chandail d’un groupe. «Le smokeyeye, qui représentait avant la femme battue, représente maintenant la femme chartreuse, explique Mariette Julien. Les emos ont remis au goût du jour le smokeyeye, un concept que les compagnies de cosmétiques reprennent aujourd’hui.» La mode punk a évolué vers un style vestimentaire plutôt qu’un comportement alors que la mode emo s’est tournée vers la musique et les vêtements.

 

De Texas is the reason à Alexisonfire

Deux courants distincts d’emotionalhardcore ont fait un tollé chez les adolescents britanniques et nord-américains, selon le musicien Hugo Jeansonski. «Il y a le emo d’avant Myspace, vers la fin des années 1990 et le emo d’après Myspace, dans les années 2000, explique-t-il. Avant, c’était moins rattaché à la mode, mais bien à la musique, qui était hardcore et centrée sur des thèmes d’amour.»

Les sites Internet comme Myspace et Skyblog ont été d’importants dénominateurs de cette mode, selon Hugo Jeansonski. «C’était lors de la deuxième vague emo, la vague narcissique et féminisée, que l’on retrouvait presque exclusivement dans les écoles», décrit Hugo Jeansonski. Ces sites étaient de grands lieux de rencontres virtuelles où de nombreux enfants emo sont devenus des figures de proue.

Ainsi, vers 2003 la scène musicale s’est divisée et les groupes emos sont devenus beaucoup plus à la mode que hardcore selon Hugo Jeansonski, qui a passé son adolescence au café l’Inconditionnel, lieu culte du hardcore. Le côté fashion s’est développé et a fait naître la deuxième vague emo, celle des cheveux colorés, du maquillage exagéré et du culte de la tête de mort. «Il s’agissait maintenant plus d’une image que d’un message», explique le musicien.

La musique emotional hardcore a été mise de côté depuis quelques années, mais elle reste dans paysage culturel. «Il y a eut un certain engouement récemment, des groupes des années 1990 recommencent à faire des spectacles de réunion, comme American Football, annonce Hugo Jeansonski. Les gens vers la fin vingtaine et trentaine vont retourner vers ces groupes, vers le emo neutre, parce que c’est ce qu’ils ont connu jeunes.»Les festivals Pouzzafest et d’autres du genre aux États-Unis recommencent à recruter des groupes emo des années 1990 pour réunir les anciens.

Plusieurs années après le paroxysme du mouvement, Fanny Le Ber n’a aucun regret. «Quand j’y repense, je trouve juste que le style emo n’est pas très joli», avoue-t-elle. Contrairement à plusieurs croyances, le mouvement a encore des ramifications en 2014. Il s’est adapté dans le style commun et n’a jamais arrêté d’exister dans le monde de la musique, même s’il est moins présent de nos jours. Selon la professeure, s’il a permis à une génération d’exprimer sa sensibilité et son besoin de se démarquer, il est certain qu’il reviendra sous un autre jour.

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