L’homme du numéro 7

Avec un deuxième Oscar en poche pour le documentaire The Lady in Number 6, racontant la vie de la pianiste Alice Herz Sommer, Malcolm Clarke ne compte ni ralentir sa cadence, ni modérer sa passion pour le 7e art.

Au terme d’une longue journée de tournage, les cheveux en bataille, le réalisateur et producteur Malcolm Clarke avoue d’entrée de jeu être fatigué. Aussitôt revenu à sa chambre d’hôtel du centre-ville de Shanghai, le lauréat de deux Academy Awards est cependant toujours aussi enthousiaste de parler de son parcours. Après plus de 35 ans derrière la caméra, il continue de réaliser le rêve de son enfance, celui de tourner des films.

D’aussi loin qu’il se souvienne, Malcolm Clarke a toujours voulu être cinéaste. «La seule chose que je voulais faire lorsque j’étais enfant, c’était des films. Mon destin a été scellé à un très jeune âge», se rappelle-t-il. À 21 ans, le réalisateur d’origine britannique reçoit à son anniversaire le journal intime retrouvé par sa mère qu’il tenait lorsqu’il avait neuf ans. Preuve de son amour inconditionnel pour le septième art, le cahier renfermait tous les films qu’il avait vus au cinéma cette année-là. «J’ai l’impression que je les ai tous visités à une fréquence alarmante. Ça m’a étonné avec le recul, qu’un enfant puisse voir autant de films», raconte le sexagénaire.

C’est en étudiant dans une université nippone que Malcolm Clarke a fait ses premiers pas dans le monde de la réalisation. Sans faire ses classes en cinéma, il a tout de même obtenu la permission spéciale de réaliser un documentaire plutôt que d’écrire une traditionnelle thèse de fin d’études. Son oeuvre a alors remporté les grands honneurs lors d’un festival de films étudiants à Amsterdam. Grâce à ce prix, il a été remarqué par le directeur général de la BBC, également membre du jury. «J’ai gradué le vendredi après-midi et le lundi matin, j’ai commencé à travailler à la BBC. J’ai été très chanceux», explique fièrement le réalisateur. Durant son séjour au réseau britannique, le documentariste a effectué un tour complet des différents départements. «Je suis probablement l’un des derniers réalisateurs capable de réaliser un jeu-questionnaire, une partie de soccer, un drame à trois caméras, des bulletins de nouvelles ou une émission d’affaires publiques», ajoute en riant celui qui a décidé de quitter la télévision publique britannique en 1975.

Malgré son passage à la télévision, Malcolm Clarke n’a pas cessé de tourner des films pour autant. Un film pour Granada, une télévision indépendante britannique, à propos de Steve Biko, un leader politique sud-africain, a attiré l’attention d’un dirigeant du réseau de télévision ABC. Ce projet l’amène ensuite à s’envoler vers New York, afin de tourner un documentaire sur le terrorisme international, un risque que personne en Amérique n’était prêt à prendre en raison du danger qu’impliquait l’opération. Âgé de 26 ans, le réalisateur téméraire saisit l’opportunité et ne retourne jamais en Angleterre. Après avoir fait la navette durant quelques années entre Los Angeles et New York, Malcolm Clarke s’installe pour de bon au Québec dans les années 90 avec sa femme et ses deux enfants. «Les gens qui font des films à Montréal sont très talentueux, avec des techniciens de classe mondiale, très créatifs et sensibles. La ville est un endroit très confortable et très stimulant pour faire des films», explique l’Outremontais d’adoption.

Le succès et la reconnaissance sont souvent venus frapper à la porte du réalisateur. Malcolm Clarke a reçu quatre nominations aux Oscars et a remporté la statuette d’or à deux reprises, la première fois en 1989 pour le documentaire You Don’t Have to Die et la seconde en 2014 pour The Lady in Number 6. «Certaines personnes pensent que vous avez une recette magique cachée secrètement dans la cuisine. Vous ajoutez un peu d’eau, mélangez et ça devient soudainement un film sélectionné aux Oscars. C’est complètement cinglé», lâche-t-il. Pour son producteur, Frederic Bohbot, le succès de Malcolm Clarke est loin d’être le fruit du hasard. Le cinéaste est prêt à tout pour faire un film de qualité. «Pour un producteur, Malcolm peut parfois être très frustrant parce que les choses vont toujours un peu plus au-dessus du budget prévu», explique le collaborateur de longue date. Malcolm Clarke planche actuellement sur Better Angels, un documentaire concernant la relation de deux superpuissances, la Chine et les États-Unis. Il y a fort à parier que sa statuette dorée lui ouvre des portes.

Lorsque Malcolm Clarke capture des images avec sa caméra, c’est dans l’unique intérêt de partager sa vision de la vie. «Le monde est un endroit fantastique et diversifié. Je me sens heureux et privilégié de me faire donner de l’argent pour l’observer, l’interpréter au travers de mes films», ajoute le cinéaste. Qu’il s’agisse de présenter l’émouvante histoire de la plus vieille survivante de l’Holocauste ou de vouloir changer l’attitude des Occidentaux par rapport à la montée de la Chine, Malcolm Clarke n’est jamais là où on l’attend. À presque 23h, heure de Shanghai, la journée tire à sa fin pour le cinéaste qui doit s’envoler pour Pékin le lendemain.

Crédit photo: Frédéric Bohbot

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