Une plainte qui ne veut pas mourir

D’une session à l’autre, les plaintes des étudiants se noient dans les dossiers d’évaluation des professeurs et des chargés de cours. Clientèle mécontente ou non, les nombreux recours prévus par l’Université rendent l’étape du congédiement presqu’impensable.

Au local des étudiants du baccalauréat d’animation et recherches culturelles, la conversation s’anime quand on parle de l’évaluation de l’enseignement. «Ça fait plein de fois qu’on se plaint et le prof est encore là!, se désole Marie-Soleil*, finissante de ce programme. On en a assez de payer 400$ pour se faire donner un cours par un prof aussi peu professionnel.» Entre les faux-pas pédagogiques et les comportements non-professionnels de leurs professeurs, les étudiants qui espèrent les voir prendre la porte prennent les grands moyens pour enfin obtenir la qualité d’enseignement qu’ils désirent. Mais alors que l’Université monte un dossier sur ces professeurs session après session, les mal-aimés des salles de classe repassent leur Power Point à des universitaires qui regrettent déjà leurs vacances.

«J’ai vu un prof donner une copie d’examen déjà remplie à un étudiant parce qu’elle n’avait pas assez fait de photocopies, s’exclame Marie-Soleil. Et tout ça après un discours très épuisant sur le plagiat.» Déçue du manque de professionnalisme de leur enseignant, la classe avait adressé une lettre au directeur de programme dénonçant la situation, sans résultat. Le directeur du Département de communication sociale et publique, Gaby Hsab, assure toutefois qu’une rencontre est organisée avec le professeur lorsqu’une plainte est jugée assez importante. «Il y a beaucoup de zones floues dans ce processus, commente-t-il. C’est très long avant de pouvoir agir lorsque des étudiants déposent une plainte, parce qu’il y a plein de situations différentes et de facteurs à considérer.»

Avant que les départements n’interviennent, il faut distinguer les professeurs des chargés de cours, commente la directrice du Service du personnel enseignant, Josée Dumoulin. «Ce ne sont pas les mêmes conventions collectives, donc pas les mêmes processus. Pour un chargé de cours qui a passé l’étape de la probation, des étapes précises sont prévues pour assurer un suivi», explique-t-elle. Selon le contrat collectif de travail du Syndicat des chargées et chargés de cours de l’UQAM (SCCUQ), une première évaluation jugée négative par le directeur de département peut amener l’employé à modifier son plan de cours, sa méthode pédagogique et l’obliger à suivre une formation auprès de l’Université pour améliorer son enseignement. À ces pistes de solution s’ajoute un accompagnement pédagogique fourni par le Service du personnel enseignant lors d’une deuxième évaluation insatisfaisante. C’est lors de la troisième intervention qu’un comité d’évaluation est formé, afin de valider si le problème provient bel et bien du chargé de cours. Le comité peut prescrire ces trois mêmes solutions ou conclure que le chargé de cours ne peut plus enseigner au département. «Avant d’intervenir auprès d’un chargé de cours qui fait l’objet d’une plainte, l’Université doit faire une enquête raisonnable, rassembler des faits et s’assurer que la plainte est fondée en faits et en droit, résume le vice-président à l’information du SCCUQ, Richard Bousquet. Elle doit aussi entendre le point de vue de la personne chargée de cours.» Selon le SCCUQ, les plaintes envers les chargés de cours sont très peu fréquentes.

«Pour les professeurs, les mesures à prendre et les attentes sont à la discrétion des directeurs de départements», résume Josée Dumoulin. En plus de l’évaluation de l’enseignement par les étudiants, les professeurs subissent une évaluation par leurs pairs tous les cinq ans. Leur enseignement, mais également leurs services à la collectivité et leurs recherches sont pris en considération. Si des problèmes au niveau de l’enseignement surviennent avant l’année prévue pour l’évaluation, l’assemblée départementale décide des étapes à suivre et signifie ses attentes envers le professeur en question, explique Josée Dumoulin. «À la fois chez les chargés de cours et les professeurs, il y a davantage de congédiements chez les personnes en période de probation», estime-t-elle. Il y a également davantage de mises à pied pour des raisons pédagogiques que comportementales, selon la directrice.

La conseillère Johanne Corbeil estime à moins de dix le nombre de plaintes traitées par le Service du personnel enseignant chaque année. «Mais ce ne sont pas toutes les plaintes qui se rendent à nous, beaucoup de départements règlent le problème à l’interne. Et les problèmes que nous réglons sont davantage de nature disciplinaire que pédagogique», ajoute-t-elle. Lorsque la plainte concerne l’enseignement, le Service des ressources humaines peut jumeler un accompagnateur pédagogique à la personne en difficulté pour l’accompagner dans ses tâches. «Une plainte ne mène pratiquement jamais à un congédiement, précise Johanne Corbeil. On monte un dossier avec les évaluations et ça prend plusieurs sessions, voire deux ans. Parfois, la personne concernée s’améliore, parfois elle se rend compte que ça ne fonctionne pas et préfère démissionner.»

Aux yeux de Gaby Hsab, c’est l’évaluation de l’enseignement qui reste l’outil le plus efficace pour la prise en compte des critiques négatives. «J’ai toujours encouragé les étudiants à jouer leur rôle à pleine capacité, pour que les problèmes se rendent plus rapidement à la direction de département.» Les représentants étudiants des programmes ont en effet un grand rôle à jouer dans les évaluations que fait le comité de programme, où ils sont en nombre égal aux professeurs. «Ce qui est dommage, c’est que le taux de réponse moyen au formulaire en ligne est de 35%, fait savoir le directeur, qui milite actuellement pour ramener l’évaluation dans les salles de cours. Lorsque le taux n’est que de 20% par exemple, c’est un argument que les professeurs utilisent pour se défendre.»

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