L’histoire sans fin

Les plaintes concernant les seringues souillées retrouvées dans les toilettes pleuvent à l’UQAM. Bien que l’administration ait tenté d’agir en implantant des boîtes pour les récupérer, sept ans plus tard, le problème demeure récurrent et va bien au-delà des murs de l’Université du peuple. 

Il n’est pas rare que des étudiants de l’UQAM tombent sur de mauvaises surprises lorsque l’appel de la nature se fait sentir. «J’ai vu une seringue qui traînait, des allumettes partout sur le sol. Il y avait une très forte odeur», raconte Francis Dufresne, étudiant en journalisme. La scène est loin d’être inhabituelle sur le campus de l’Université. À deux reprises dans la même semaine, le jeune homme surprend un itinérant qui vient de s’injecter de la drogue, dans une salle de toilettes du pavillon J. Chaque fois, l’étudiant avise immédiatement la sécurité de l’UQAM, qui lui répond que des agents s’occuperont de nettoyer. Ces derniers ne semblaient pas pressés d’agir, selon lui. «La deuxième fois que c’est arrivé, ils m’ont dit qu’ils allaient faire une alerte, mais après 30 minutes, personne n’était venu et l’itinérant a eu le temps de s’en aller», relate-t-il.

Depuis 2007, l’UQAM a implanté 18 boîtes pour récupérer les seringues utilisées dans certaines toilettes pour hommes plus problématiques de l’Université, mais l’initiative n’a pas été suffisante. Avec l’arrivée de la vague de froid intense cet hiver, le nombre de plaintes à cet égard s’est multiplié. Au début du mois de janvier, le Service de prévention et de la sécurité (SPS) a donc décidé d’implanter cinq à dix boîtes supplémentaires dans d’autres toilettes. «Le message qu’on essaie de faire passer, c’est que les gens doivent disposer de leurs seringues et ne pas les laisser dans la nature, note le directeur du SPS de l’UQAM, Alain Gingras. Au moins, les seringues ne se retrouveront pas dans la toilette et ce sera donc plus sécuritaire pour les étudiants.»

Le problème ne date pas d’hier. Selon un article paru dans le journal Métro en novembre dernier, approximativement 3200 seringues ont été retrouvées sur le campus de l’UQAM au cours de l’année scolaire 2012 – 2013, un record. Depuis peu, l’administration a condamné l’accès aux toilettes du premier étage du pavillon J, près de la sortie Saint-Denis et de Maisonneuve, afin de combattre cette problématique. Francis Dufresne déplore toutefois le peu d’action de l’UQAM envers cette situation. «J’ai l’impression que les agents de la sécurité ne veulent pas confronter personnellement les itinérants, soutient-il. Ils s’en occupent, s’assurent que la situation ne met pas les étudiants en danger, mais sans essayer d’enrayer le problème.» Alain Gingras admet que la question est loin d’être réglée, dans la mesure où le nombre de seringues utilisées à l’intérieur de l’UQAM n’a pas diminué au fil des ans. Il assure pourtant que les agents de sécurité se rendent rapidement sur les lieux lorsqu’ils reçoivent une plainte. « Nos agents interviennent auprès de la personne, mais la laissent terminer de s’injecter avant de lui demander de disposer, explique-t-il. Ensuite, s’il y a lieu, le Service de l’immeuble et de l’équipement vient nettoyer les lieux afin de rendre le tout sécuritaire.»

Mieux que dans la rue

L’organisme Cactus Montréal, situé en face du pavillon J.-A.-DeSève, distribue du matériel afin de prévenir les infections transmises par le sang, notamment auprès des personnes qui consomment de la drogue par injection. La responsable de l’organisation communautaire, Amélie Panneton, explique que les gens qui fréquentent l’UQAM pour s’injecter de la drogue le font parce qu’ils n’ont souvent nulle part où aller. «Ce sont des personnes qui n’ont pas d’endroit qu’ils jugent sécuritaires pour s’injecter, ou qui dorment dans des refuges où ils ne peuvent pas consommer, explique-t-elle. Pour eux, des toilettes publiques, c’est toujours mieux qu’être dans la rue.»

La responsable fait valoir que la situation géographique de l’UQAM est particulière. Les besoins sont criants dans le secteur entourant l’Université et Cactus Montréal estime que le problème est presque impossible à contrôler. «La vente de drogues, ça se passe souvent aux abords de l’UQAM, renchérit Alain Gingras. Les gens ont besoind’unendroitchaudpour s’injecter, alors ils vont dans les lieux publics.» Il mentionne d’ailleurs que le problème ne touche pas seulement l’UQAM. «Il faut comprendre que c’est une problématique qui dépasse l’Université. Les commerces du quartier doivent aussi composer avec ça», lance-t-il. Amélie Panneton croit que l’absence de toilettes publiques gratuites dans le quartier n’aide en rien à diminuer le problème. «S’il y avait des toilettes en bordure des métros ou dans les parcs, les gens n’auraient peut-être plus besoin d’aller à l’UQAM pour s’injecter», avance-t-elle.

Le directeur du SPS mentionne qu’il n’est pas dans le mandat des agents de sécurité d’interdire l’accès à l’Université aux personnes dans la rue. «Si jamais un itinérant entre dans l’UQAM et a un comportement dysfonctionnel, on va agir, mais on intervient seulement lors des cas problématiques», relate-t-il. Amélie Panneton estime que chasser ces gens des endroits publics ne réglerait rien. «Vu la situation, je pense que le mieux est de les tolérer à l’intérieur des lieux publics, pense-t- elle. Maintenant, il faut miser sur des moyens pour récupérer les seringues afin d’assurer la sécurité de tout le monde.»

Crédit photo: Camille Carpentier

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