Culture de jouvence

Confinés aux résidences, les aînés perdent contact avec la vie culturelle. De plus en plus d’initiatives jaillissent pour garder active la matière grise des gens de l’âge d’or.

Les lundis Scrabble, les jeudis bingo et les samedis de bridge perdent de leur popularité auprès des aînés. Les personnes âgées réclament plus de couleurs dans leurs résidences, ce qui se traduit par une multiplication des activités culturelles depuis quelques années. De nombreuses lacunes privent toutefois les résidents des centres de retraités de la cure de jeunesse rêvée pour les divertissements.

«Toutes les personnes âgées ne vont pas se contenter de distractions simples comme les jeux de poches», lance Gérald Gaudet, un membre de la Société d’étude et de conférences de la Mauricie et du Centre-du-Québec, une association dédiée à l’art. Avant la retraite, les activités culturelles sont souvent négligées au profit du travail et des enfants. «Les aînés redécouvrent ces loisirs et ont faim de lecture, d’éducation et de poésie», constate-t-il. Pour divertir les aïeux, cet organisme qui défend l’épanouissement des retraités offre des visites de musée et d’expositions d’art ainsi que des ateliers de lecture.

Chaque activité initiée par l’organisation trifluvienne attire près d’une centaine de personnes, la plupart du temps déjà occupées par plusieurs autres passes-temps. «Nous répondons à un grand besoin dans la communauté, mais les approches avec les résidences pour personnes âgées ne trouvent pas le même écho», remarque celui qui est aussi professeur à l’Université du troisième âge de Trois-Rivières (UTA), Gérald Gaudet. Même les cours de danse, de philosophie ou d’histoire peinent à joindre de nouveaux adhérents. «La participation n’est pas celle que nous espérions, se désole la coordonnatrice de l’UTA de Trois-Rivières, Stéphanie Vermette. Seulement une quinzaine de membres participent aux activités.» Pour assurer la viabilité de ces projets, il faut viser d’importantes résidences avec quelques centaines de locataires.

Des alternatives ont été lancées pour les foyers de dix personnes et moins, d’ordinaire laissés pour compte par manque de fonds, selon Stéphanie Vermette. Des biblio-mobiles sillonnent la grande région de Montréal pour permettre aux personnes âgées en résidence d’avoir accès sans frais à quantité de livres. «Les aînés plus pauvres baignent moins dans la culture en rapport à ceux qui peuvent débourser pour vivre dans des résidences plus dynamiques», explique Stéphanie Vermette. La quantité de loisirs varie d’une résidence à l’autre d’après leurs priorités. Une personne âgée active aura une meilleure santé que celle enfermée dans les quatre murs de son appartement, affirme Gérald Gaudet.

Les initiatives sont nombreuses, mais il pourrait toujours y en avoir plus. «C’est toujours le même noyau de participants qui s’inscrit aux activités, nuance Stéphanie Vermette. Ça montre un manque de variété dans les divertissements, mais surtout un problème de visibilité.» La publicité faite autour des activités peine à rejoindre les résidents. «Nous présentons parfois les activités sur les napperons de la cafétéria et envoyons des feuilles dans toutes les chambres au lieu d’une simple affiche», précise le directeur général de la Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ), Danis Prud’homme. Pour améliorer la situation, la participation aux activités doit être évaluée à plusieurs reprises. L’appréciation des adhérents s’avère critique pour la poursuite de certains passe-temps. «Les gens reviennent, il y a peu de désistements. Nous espérons que les activités vont se multiplier», ajoute Gérald Gaudet, optimiste.

Une canne s’il vous plaît

L’Assemblée nationale a signé le Contrat social qualité de vie pour aînés de la FADOQ lancé en juin dernier. L’implication des aînés dans leur communauté s’accroit de façon substantielle. Avec le slogan «Cessons de voir le vieillissement comme un problème», le manifeste assorti d’une pétition compte quelque 3 000 signataires dont des résidences, des compagnies et des Centres d’hébergement et de soins de longue durée.

Les instances gouvernementales tardent à donner suite à cet engagement. «Québec voit les retraités comme des malades à soigner, critique Gérald Gaudet. Toute la dimension culturelle est évacuée.» Par cette vision de la vieillesse, le gouvernement est complètement déconnecté de la réalité des personnes âgées, selon ce professeur de l’UTA de Trois-Rivières. En réaction, le gouvernement affirme présenter plusieurs initiatives subventionnées pour favoriser l’intégration des aînés à la vie culturelle. Que ce soit le programme Logi-Être, l’entrée de l’OFF Festival des harmonies dans des résidences privées ou La Passerelle dans l’arrondissement Ville-Marie, Québec encourage des projets pour sortir les personnes âgées de leur foyer. Pour la coordinatrice de l’UTA, Stéphanie Vermette, le gouvernement devra mettre les bouchées doubles pour cultiver la matière grise des aînés. «Nous aurions besoin de plus d’aide de la part du gouvernement du Québec, affirme-t-elle. Encore faut-il bien cibler les fonds, puisque le déplacement, la santé et les coûts sont tous liés au problème.»

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