Préjugés, xénophobie et incompréhension surgissent lorsque la culture religieuse fait défaut. Retour sur les bancs d’école, où les enfants athées sont de plus en plus nombreux.
Au Québec, c’est le carême en matière d’enseignement du cours éthique et culture religieuse. L’UQAM est, avec l’Université de Montréal, l’une des seules universités à offrir une spécialisation dans la formation des enseignants de ce cours. Rares sont ceux qui passent des couloirs de l’université aux devant des classes d’écoles secondaires.
Dans les autres universités québécoises, une poignée de cours concernant la culture religieuse sont ajoutés au parcours des futurs enseignants en géographie et histoire au secondaire. «La spécialisation n’est pas obligatoire pour enseigner l’éthique et la culture religieuse, indique celle qui a crée le premier programme de la sorte au Québec, Nancy Bouchard. C’est pourtant assez difficile à enseigner», ajoute celle qui a tenu ce poste dans les écoles secondaires pendant une dizaine d’années, avant de devenir professeure à l’université. En 2000, une cohorte de cette spécialisation à l’UQAM était formée d’environ 50 étudiants. Elle est aujourd’hui composée de 25 personnes, selon la directrice du Groupe de recherche sur l’éducation éthique et l’éthique en éducation (GREE). «Nous serons neuf diplômés cette années, si tout le monde complète son stage, constate Marie-Pier Beauséjour, finissante de cette concentration au baccalauréat en enseignement au secondaire. Une formation spécialisée devrait être obligatoire.» L’enseignant d’éthique et de culture religieuse de l’école Louis-Joseph Papineau, Patrice Trudeau, abonde dans le même sens. Ce dernier possède une formation spécialisée pour dispenser le cours et estime que c’est une matière ardue à enseigner. «Le cours est mal perçu. Il passe pour un bouche-trou, alors qu’il est essentiel», déplore Patrice Trudeau.
Même s’ils sont peu nombreux, les étudiants spécialisés dans l’enseignement du cours ont de la difficulté à trouver un stage, observe Nancy Bouchard. «Les professeurs qui enseignent l’éthique et la culture religieuse le font souvent pour compléter leur tâche d’enseignement. Leur mandat principal n’est pas d’enseigner uniquement ce cours», explique Marie-Pier Beauséjour. Là où le bat blesse, c’est au moment où les étudiants de la concentration doivent être assignés à la classe d’un professeur qui consacre plus de 50% de sa tâche à l’enseignement de l’éthique. Selon l’étudiante, cette contrainte limite les places disponibles des stagiaires, puisque plusieurs écoles économisent en déléguant la matière à des enseignants qui assument déjà la charge d’un autre cours. La responsable du programme à l’UQAM croit que la plupart des enseignants actuels n’ont pas suffisamment de connaissances dans ce domaine pour évaluer adéquatement les stagiaires.
Un membre d’IKTUS, le regroupement des étudiants chrétiens de l’UQAM, Jorge Falla Luque, s’inquiète des carences en culture religieuse dans la population. «Les dernières générations ne connaissent pas du tout l’Église. Je trouve ça dangereux. Ils se fient seulement sur ce qu’ils ont entendu, ce qui entretient les préjugés.» Même son de cloche chez Patrice Nadeau. «Les gens sont fermés sans s’en rendre compte. Chaque année, il y a des appels de parents et je dois me battre pour préserver le contenu du cours.» Marie-Pier Beauséjour est pourtant persuadée que ce n’est pas nécessairement un manque de culture religieuse qui crée les préjugés envers les religions. «Ce n’est pas de posséder un savoir religieux encyclopédique qui est important, mais de développer une pensée critique permettant les questionnement de fond.» Patrice Nadeau reste convaincu de la pertinence de cette matière, souvent appréciée des étudiants. «Le cours permet aux élèves d’apprendre à dealer avec la différence. Il forme la société de demain.»
Flou didactique
Pour Nancy Bouchard, le programme provincial de formation des enseignants n’a pas su former adéquatement les enseignants en exercice. «Les enseignements doivent transmettre une sensibilité spirituelle sans tomber dans le prosélytisme», décrit-elle. Les enseignants d’éthique et de culture religieuse ne peuvent pas se présenter avec un quelconque signe religieux sur eux, puisque le programme du ministère stipule qu’ils ne doivent pas faire valoir leurs croyances. «La neutralité de l’enseignement est floue. Avec nos bagages personnels, il est presque impossible d’être complètement objectif», fait valoir Marie-Pier Beauséjour. Les enseignants, au primaire en particulier, ne se frottent donc pas à l’enseignement religieux, puisque le programme n’offre pas de balises claires, explique Nancy Bouchard. «On ne doit pas toucher à la quête de foi de l’élève», affirme Marie-Pier Beauséjour.
Les postes d’enseignants en éthique et culture religieuse restent limités dans les commissions scolaires. Comme les huit autres finissants de sa concentration, Marie-Pier Beauséjour devra faire son chemin de croix pour décrocher un emploi dans son domaine d’expertise.
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