Le Sommet sur l’enseignement supérieur s’est conclu avec une décision du gouvernement d’indexer les frais de scolarité de 3%. Cette mesure, qui doit rapporter 187 millions de dollars au gouvernement, sera accompagnée d’une amélioration de l’aide financière aux études et d’une hausse du crédit d’impôt pour les droits de scolarité. Malgré le désir affiché de Québec de trouver un consensus, la décision du gouvernement ne fait pas l’unanimité.
Mélissa DesGroseillers
Lors de son discours de clôture, la première ministre Pauline Marois a souligné que l’indexation était mesurée à la croissance du revenu disponible et qu’il s’agissait d’une proposition «raisonnable et juste» pour les étudiants, les universités et les Québécois. Elle s’est également dite soulagée que «la crise sociale soit derrière nous».
Les grands regroupements étu- diants déplorent tous la tournure des événements. «On est déçu de voir que la question du gel des droits de scolarité a été tassée du revers de la main aussi rapidement, alors qu’on n’a encore aucune étude sur les conditions de vie des étudiants québécois», se désole la présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Éliane Laberge. Bien que déçue, la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins a salué la décision du gouvernement de discuter des frais institutionnels obligatoires. L’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSE), avait, quant à elle, pris la décision de boycotter le Sommet le 14 février dernier, après que l’hypothèse de la gratuité scolaire eut été écartée.
Les autres enjeux
Le Sommet s’est aussi penché sur la question du financement et de la gestion des universités, de l’accessibilité aux études, de la qualité de l’enseignement et de sa contribution au développement du Québec. Le gouvernement a annoncé son désir de réinvestir 26,5 M$ dans les fonds de recherche du Québec et il prévoit 8,5 M$ afin d’offrir un soutien adéquat aux étudiants autochtones ou handicapés.
Le gouvernement a également annoncé la création d’une loi-cadre et d’un conseil national des universités. Dès mars 2013, un chantier doit être mis en place afin de proposer le but et le mandat du conseil. L’ancienne directrice générale de la Grande bibliothèque de Montréal, qui vient d’être nommée au C.A. de l’UQAM, Lise Bissonnette, ainsi que l’ancien directeur du Musée National des Beaux-Arts de Québec, John Porter, seraient désignés par le gouvernement pour diriger ce chantier.
«Ce Sommet n’est pas une finalité», a répété le ministre de l’enseignement supérieur Pierre Duchesne en point de presse. Cinq chantiers ont été prévus et doivent permettre autant de réformes. Le gouvernement péquiste fera, entre autres, le point sur l’offre de formation collégiale du Québec et confie à l’ancien président de la FEUQ, Pier-André Bouchard St-Amant, le mandat d’améliorer l’aide financière aux études.
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L’ASSÉ prépare ses troupes
Le prochain congrès de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSE) aura lieu à la fin mars. Une éventuelle grève générale illimitée sera à l’ordre du jour. La discussion portera davantage sur l’orientation de l’organisation pour les années à venir que sur les conclusions du Sommet, selon le co-porte-parole de l’association, Jérémie Bédard-Wien. «Je sais cependant qu’il y a beaucoup de colère sur les campus. Les étudiants ont fait six mois de grève et n’ont pas l’intention de se laisser avoir par les conclusions imposées au Sommet.» Une manifestation de nuit a eu lieu le 5 mars pour manifester contre l’indexation des frais de scolarité. «Ce qui est certain, c’est que la mobilisation va continuer, ajoute-t-il. Les gens sont prêts à ce qu’il y ait une autre escalade de moyens de pression.» M.D.
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La FEUQ modère ses ardeurs
Pragmatique, la Fédération universitaire du Québec (FEUQ) ne cache pas sa déception, mais rappelle qu’elle a été invitée à participer à plusieurs projets. «On va attendre de voir ce qui ressort des assemblées générales, participer aux différents chantiers et s’assurer que les propositions sont en faveur des étudiants, explique la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins. On ne peut pas donner notre accord si on n’est pas présent.» Si la possibilité d’une grève n’est pas mise à l’écart, la présidente croit que même si les étudiants sont en colère, ils considèrent qu’il y a d’autres mesures pour se faire entendre. «Ce n’est pas parce qu’on a perdu une bataille que la guerre est finie, mais on ne fera pas appel à la grève du jour au lendemain.» M.D.
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Les assos affiliées à la FEUQ sont partagées
Les associations étudiantes de l’UQAM affiliées à la Fédération universitaire étudiante du Québec (FEUQ) sont partagées quant à l’issue du Sommet sur l’enseignement supérieur. L’Association étudiante de l’École des sciences de la gestion (AEESG), associée à la FEUQ, est «relativement satisfaite» des résultats de la consultation. Elle était cependant en faveur d’une indexation selon l’indice des prix à la consommation et non selon le revenu familial comme statué lors du Sommet. «La différence représente quelques dixièmes de pourcentage, ce n’est pas la fin du monde», souligne le président de l’AEESG, Antoine Genest-Grégoire. Il voit aussi d’un bon œil les changements apportés à l’aide financière aux études et aux crédits d’impôts. Le président précise toutefois qu’il faudra attendre de voir comment seront appliquées ses nouvelles mesures pour juger de l’efficacité du nouveau régime.
Son de cloche complètement différent à l’Association des étudiants et étudiantes de la faculté des sciences de l’éducation (ADEESE), qui se dit très déçue de l’attitude du gouvernement Marois lors du Sommet. «L’ADEESE ne peut se taire devant cette absence d’ouverture. Il nous est impossible de comprendre le choix fait par le gouvernement d’aller de l’avant avec l’indexation des frais de scolarité», a indiqué l’association dans un communiqué. S.D.
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Amère déception pour les assos affiliées à l’ASSE
Bien que l’Association pour une solidarité étudiante (ASSE) ait été absente lors du Sommet sur l’enseignement supérieur, plusieurs associations étudiantes uqamiennes qui y sont affiliées n’ont pas caché leur mécontentement face à l’issue de la consultation. L’Association facultaire des étudiants en science politique et droit (AFESPED) s’est faite très critique, puisqu’elle n’y voit aucune avancée pour le mouvement étudiant. «On s’éloigne du gel et de la gratuité et il n’y a pas eu de dialogue, parce que la décision d’indexer les frais était connue depuis le début», mentionne le coordonnateur aux affaires internes de l’AFESPED, Daniel Crespo. Il soutient que ce sera à l’assemblée générale de dicter la suite des choses, mais «rien n’est à mettre de côté comme moyen de pression». Le représentant étudiant est aussi d’avis que le mois de mars sera chargé côté mobilisation. Plusieurs manifestations d’envergure sont prévues et l’AFESPED compte bien y faire entendre sa voix. Même son de cloche à l’Association facultaire des étudiants en arts (AFEA), où on affirme que la possibilité d’une grève générale illimitée (GGI) est toujours dans l’air. L’assemblée générale du 7 février dernier avait statué qu’une consultation des membres aurait lieu dans les trois jours suivant le Sommet si les décisions prises allaient à l’encontre des orientations de l’AFEA. «On ne déclenchera pas nécessairement une GGI, mais l’AG aura le pouvoir de le faire», mentionne le coordonnateur général de l’AFEA, Nicolas Vigneau. S.D.
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Les chercheurs mi-figue mi-raisin
Si la recherche universitaire a été brièvement abordée lors au Sommet sur l’enseignement supérieur, aucune grande décision n’aura été prise, selon le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire et en sociologie des sciences, Yves Gingras. «Il n’y a eu que du blabla sur la recherche, mais pas d’action.» Quant aux coupures budgétaires en recherche, il souligne que c’est surtout les fonds spécifiques à durée limitée qui ont été touchés, et non les budgets de base. «Souvent cette nuance est mal comprise, explique t-il. Il faut espérer plus de fonds de base en recherche et non des fonds spécifiques, car les fonds spécifiques sont coupés au bout de trois ans.» S.D.
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Robert Proulx somme toute satisfait
Le recteur de l’UQAM, Robert Proulx, dresse quant à lui un bilan «assez positif» de ce Sommet. «Je crois que l’exercice était nécessaire, dit-il. Il a permis aux différents acteurs qui défendaient leurs positions dans la confrontation continuelle de se parler autour d’une table.» Le nouveau recteur a ajouté que, malgré des contraintes de temps importantes, la rencontre avait permis d’identifier des grands thèmes qui vont devenir les cinq chantiers de travail du gouvernement. Il applaudit entres autres la création du Conseil des universités et d’une loi-cadre sur la gouvernance des établissements universitaires. Quant à l’indexation imposée par le gouvernement, la décision est «compréhensible», selon lui, étant donné l’état des finances publiques. Il considère cependant que la question des droits de scolarité doit continuer d’être abordée et que ça ne devrait pas mettre fin au débat. S.D.
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Le CNJPQ satisfait
Le comité national des jeunes du Parti québécois (CNJPQ) se dit déçu que son parti ait opté pour l’indexation des droits de scolarité à l’issue du Sommet sur l’enseignement supérieur. Dans une lettre à ses membres publiée le lendemain du Sommet, l’exécutif des jeunes péquistes mentionne que la décision gouvernementale «laisse un goût amer suite aux combats de la dernière année». Le CNJPQ se dit par contre très heureux de la tenue du Sommet, une de leurs idées. «C’est une belle preuve qu’on fait confiance aux idées des jeunes», mentionne la vice-présidente aux communications Ariane Lefebvre. L’aile jeunesse du parti demeure également satisfaite de la création des chantiers liés à l’enseignement supérieur. «Celui sur l’accessibilité aux études est le plus important pour nous, car notre mémoire concernait ce dossier-là. On est contents de voir qu’on pourra en rediscuter», mentionne Ariane Lefebvre. Le CNJPQ prévoit mettre de l’avant dans les prochains mois le dossier de «l’endettement zéro» pour les étudiants et ainsi faire adopter des mesures pour atteindre cet objectif. S.D.
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