Parentalité chez les personnes handicapées; Ça roule

Parents monoparentaux, couples gais, familles recomposées, l’éventail des réalités parentales est aujourd’hui très large. Méconnues de la majorité, les personnes handicapées qui ont des enfants sont de plus en plus nombreuses.

Les syllabes sont longues et parfois dures à distinguer dans la bouche de Dave Richer. On arrive toutefois à déchiffrer ce qu’il dit et on sent une chaleur dans sa voix, surtout lorsqu’il parle de sa fille Marie-Soleil. «Ma fille est comme un ange, on dirait qu’elle comprend que papa n’est pas pareil comme les autres», lance le père atteint de paralysie cérébrale. Bien en selle dans sa chaise roulante, Dave Richer est un papa à part entière.

Les personnes qui vivent avec un handicap n’ont pas toujours eu plein droit sur leur personne et être parent marque pour eux une grande victoire d’égalité. Ergothérapeute à la Clinique Parents Plus, Véronique Gilbert raconte qu’après leur désinstitutionnalisation, leur intégration sur le marché du travail ou dans le milieu scolaire, avoir des enfants représente un accomplissement social de plus pour les personnes handicapées.

Dans les années 1980, les premières études sur le sujet portaient sur la capacité des personnes handicapées à être de bons parents, explique la physiothérapeute de l’Institut en réadaptation du centre de déficience physique de Québec (IRDPQ), Cynthia Bergeron. Les résultats ont été clairs : il n’y a pas d’impact négatif sur le développement de l’enfant. Aujourd’hui, la parentalité chez les personnes handicapées est vécue dans 4,8% des familles québécoises.

Avec le tabou de la sexualité chez les personnes handicapées dans notre société, il est difficile de s’imaginer qu’ils peuvent procréer, selon la physiothérapeute. Dave Richer ne sent pas le jugement ou l’incompréhension dans le regard des autres. «Au contraire, on dirait que quand le monde me voit avec ma fille ils sont contents pour moi», se réjouit le père, qui a eu ses enfants de façon tout à fait naturelle. Mais même si les préjugés sont plus rares, ils existent encore. «Il y a longtemps eu la perception que les personnes avec un handicap physique étaient des personnes non autonomes», déplore Cynthia Bergeron qui spécifie qu’un progrès reste à faire.

Faisant partie du Centre de réadaptation Lucie-Bruneau, la clinique Parents Plus est la seule au Québec qui s’occupe des parents ayant un handicap physique. Elle fournit aux parents une évaluation personnalisée de leurs besoins. Ici on conjugue autonomie du parent avec la sécurité totale du bébé. «Même si on tente d’améliorer le plus possible le rôle parental, ça peut arriver qu’on ne favorise pas l’autonomie du parent parce qu’on n’est pas sûr que le bébé va être en sécurité», explique une ergothérapeute de la clinique, Véronique Gilbert.

Plus bas qu’un lit pour enfant ordinaire et avec des portes latérales pour faciliter l’accès, le lit de Marie-Soleil est adapté à l’handicap de Dave Richer. «C’est pour que j’arrive à la prendre», lance le père avec fierté. Aujourd’hui une foule d’alternatives existent pour rendre le mobilier des nouveaux-nés facile à utiliser malgré les différents handicaps de certains parents.

Lit, bain ou poussette sont désormais plus bas, plus étroits ou sur roulette. Il y a quasiment autant d’alternatives que d’handicaps différents et de situations familiales. Si pour les nouveaux nés le mobilier est de plus en plus adapté, lorsque les enfants grandissent, la non-accessibilité des lieux publics pose problème. Écoles, parcs, garderies n’ont que très rarement les installations nécessaires pour garantir facilité d’accès aux parents qui ont un handicap. Pour pouvoir mieux s’impliquer dans la vie de leur enfant, les personnes handicapées doivent se battre, selon le portrait dressé par la physiothérapeute Cynthia Bergeron. «S’assurer que les mesures nécessaires sont prises pour rendre accessibles les endroits où vont leurs enfants, c’est faire reconnaitre son droit de parent.»

Le Québec dans la moyenne du peloton

En 2006, l’ONU adoptait la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Le Canada y adhérait en 2010. En termes de droits pour les personnes handicapées, le Québec est dans la moyenne du peloton, explique le chercheur du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale, Normand Boucher.

L’accès aux installations publiques et les agissements de la population québécoise demeurent toutefois des points où il y a du travail à faire. «Il y a toujours un écart entre la réalité vécue par les gens et ce qui est dans les lois», soutient le chercheur. Si la parentalité chez les personnes handicapées est loin d’être ordinaire, elle peut également produire des tranches de vies extraordinaires. «Ma fille a appris a marcher en poussant ma chaise roulante», raconte papa Richer. En juin prochain, sa femme et lui donneront un petit frère à Marie-Soleil.

 

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