Le legs du Corbo

Claude Corbo a fait son dernier tour de piste. Le recteur tire sa révérence le 6 janvier 2013 après un redressement drastique des finances de l’UQAM. Après les conflits de travail des professeurs et la grève étudiante du printemps dernier, l’heure est au bilan pour le docteur en philosophie.

Installé dans son luxueux fauteuil de la salle du Conseil d’administration du pavillon Athanase-David, Claude Corbo lance, d’entrée de jeu, que l’UQAM pourrait être gravement affectée par les coupures de 124 millions de dollars imposées aux universités par le gouvernement. «Ça va être difficile pour tout le monde», explique-t-il. Habitué aux tumultes financiers, son second mandat amorcé en 2007 ayant débuté avec l’héritage de l’éléphant blanc qu’est l’Îlot Voyageur, Claude Corbo croit que l’UQAM réussira à nouveau à tirer son épingle du jeu.

Le recteur dresse un bilan positif de son passage au rectorat. «Quand je suis entré il y a cinq ans, l’avenir n’était pas drôle pour l’UQAM, pas drôle du tout…», se remémore l’ancien professeur de sciences politiques. Pour redresser l’UQAM de son marasme financier, Claude Corbo a instauré trois plans avec le consentement des institutions, comme il s’empresse de préciser. Si le président du Syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ), Jean-Marie Lafortune, reproche au recteur d’avoir été le valet du gouvernement en se pliant à toutes leurs demandes concernant le redressement des finances de l’institution, ce dernier s’en défend jalousement. «Nous avons augmenté les effectifs étudiants du deuxième et troisième cycle. Nous n’avons pas utilisé la tronçonneuse pour viser l’équilibre budgétaire, martèle Claude Corbo d’un ton sans équivoque. On n’est pas un valet du gouvernement quand on fait ça.» Pour Samuel Ragot, le représentant étudiant du Conseil d’administration de l’UQAM, on peut accuser le dirigeant de bien des maux, mais certainement pas d’avoir agi à l’encontre des intérêts financiers de son alma mater. Claude Corbo aura finalement réussi à expédier les dettes de l’Îlot Voyageur à l’extérieur de l’UQAM. Le 17 novembre 2010, le gouvernement libéral de Jean Charest a libéré l’établissement de toute responsabilité juridique, administrative et financière en trait à cet immeuble.

Une fois cette plaie monétaire pansée, une autre tache a fait de l’ombre au tableau du recteur. Dans son dernier mandat, il a dû affronter la grève des professeurs de 2009 et la grève étudiante du printemps dernier. «La direction s’est prêtée allègrement au jeu des injonctions en prétextant vouloir préserver une certaine paix. Toujours est-il qu’il n’y a pas eu de dialogue du tout dans ce contexte de conflit-là», martèle le président SPUQ, Jean-Marie Lafortune. Mais Claude Corbo ne fléchit pas devant ces critiques. Il invoque la sécurité de ses pairs face au récent conflit étudiant pour justifier les recours au tribunal.

La saga judiciaire est loin d’être terminée. Le SPUQ est encore en attente d’un jugement devant la Commission des normes du travail. «Les doyens des facultés sont des cadres maintenant, ce ne sont plus des professeurs. On perd la démocratie dans nos instances directement au profit d’une gestion plus bureaucratique, administrative» explique Samuel Ragot. Le SPUQ a porté la cause en appel pour débattre du statut des doyens des différentes facultés. «L’Université est allée à la Commission des relations du travail parce que la loi québécoise l’exige. Par la suite ce n’est pas nous qui avons continué la bataille collective, c’est le syndicat», défend Claude Corbo.

L’ancien professeur peut déjà commencer à ranger ses crayons. Son œuvre à l’UQAM est presque achevée et son successeur, Robert Proulx, est fin prêt à suivre ses traces. Ce dernier a déjà annoncé dans une lettre adressée au SPUQ, qu’il s’inscrivait dans la continuité de Claude Corbo. Cette orientation inquiète le président du SPUQ qui avait critiqué, plus tôt cet automne, le dépôt de la note de succession du recteur tout juste avant la course au rectorat. Jean-Marie Lafortune avait alors dit craindre que Claude Corbo garde une mainmise sur les instances de l’UQAM. Le principal intéressé n’y voit qu’un simple rappel des engagements pris par l’Université, et non par lui. «On m’a reproché de jouer les belles-mères. C’est une accusation qui ne correspond pas à mon passé. Entre mon départ au rectorat en 1996 et à mon retour en 2008, je ne me suis aucunement mêlé des affaires institutionnelles», rappelle-t-il.

Claude Corbo ne tarit pas d’éloges devant les achèvements de sa protégée. «On a créé des nouvelles chaires de recherche, nos professeurs ont obtenu des prix un peu partout. Pour moi la situation de l’UQAM est bien meilleure qu’elle l’était à l’automne 2007», conclut-il. Tous s’entendent pour patienter quelques années avant de voir le véritable apport des plans de redressement pour l’Université. «Malgré l’adversité, il a continué à travailler avec une certaine constance pour l’UQAM, il est resté fidèle à ses objectifs et à ses façons de faire, explique Samuel Ragot. Il va falloir attendre plusieurs années pour voir son héritage.»

Une demi-heure s’est écoulée entre l’arrivée du recteur et son départ de la salle de réunion. Trente maigres minutes pour résumer un chemin de croix de cinq ans. Lorsqu’on lui demande ce qu’il compte laisser en héritage, Claude Corbo se contente de répondre qu’il laissera les gens juger par eux-mêmes… pour conclure avec un clin d’œil, mi-figue, mi-raisin.

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