Le paysage urbain est laid. Il est «laitte à faire des remèdes», comme dirait ma grand-môman. D’ailleurs, elle se retournerait probablement dans sa tombe si elle savait à quoi ressemble aujourd’hui le panorama montréalais.
Là où «dans son temps», il y avait la Main, le tramway, la Sainte-Catherine, là où la nuit s’égayait progressivement de sa nitescence fluorescente, il y a aujourd’hui la face de Chantal Fontaine qui annonce les Aliments du Québec.
À gauche, à droite, sur les murs des bâtiments, sur les autobus et dans le métro, nous sommes bombardés de publicités. Ce n’est pas nouveau. Mais c’est laitte. Elles jalonnent nos routes cahoteuses, elles s’accumulent sous nos yeux comme un amas de déchets visuels disparates et elles nous empêchent de voir la ville – de la regarder – d’un œil artistique.
Il y a parfois de belles pubs, certes. Comme celle d’Héma-Québec ou celles de l’INIS. Mais rien là qui puisse donner à la ville un éclat singulier, qui puisse faire du paysage montréalais un symbole de son identité.
Quand grand-môman était jeune, les fresques commerciales (voir texte ci-contre) enjolivaient les murs des immeubles. Aujourd’hui, ces œuvres du patrimoine urbain sont en voie de disparition. Il y a bien des fresques artistiques qui ornent certaines bâtisses, mais les commerçants ne réussissent toujours pas à profiter de ces images murales comme outil publicitaire.
Festival du condominium
Si le paysage urbain est pigmenté de publicités désordonnées, l’architecture des nouveaux bâtiments n’est pas non plus gage de beauté. Depuis plusieurs années, on développe, on innove, on forge, on construit, clou après clou, le Montréal de demain. Depuis plusieurs années, on développe, on forge, on construit…des condos laittes. Et des commerces laittes. Par souci d’économie ou par manque de vision, on bâtit de belles bâtisses qui, prises ensemble, brisent l’unité de la ville. C’est l’incohérence urbaine, l’individualisme architectural.
«La première chose quand on développe un quartier ou qu’on bâti quelque chose, c’est de reconnaître et de respecter notre identité et notre territoire, me racontait le sociologue, anthropologue, animateur de radio et sage barbu, Serge Bouchard. Il faut se relever le chignon et dire qu’on n’endure pas la destruction de notre paysage.»
Alors qu’on cultive les espaces de stationnement dans nos banlieues, on bétonne Montréal. Et pour cacher le béton, on placarde la face de Chantal Fontaine. Voilà qui est bien dommage, même si j’aimais bien ça, Virginie.
Pourtant, nos artisans du premier art sont créatifs. Ils gagnent des prix à l’étranger, ils couchent sur papier des projets innovateurs, ils pensent autrement le paysage de la métropole. Ils imaginent une architecture urbaine qui habillerait nos hivers, qui respirerait le grand air, qui coulerait le long du fleuve. Mais leurs beaux projets restent la plupart du temps sur les tablettes, faute de moyens.
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Vous savez, je déteste la Ville de Québec. Je trouve ça plate à mort. Les Galeries de la Capitale, le Vieux, l’île d’Orléans et on a pas mal fait le tour. Mais là-bas au moins, ils ont compris qu’ils devaient jouer sur leur image. Et tant pis pour Chantal Fontaine.
Audrey Desrochers
Chef de pupitre Culture
culture.campus@uqam.ca
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