Pourquoi, comment, d’où cette fascination du post-apocalyptique au cinéma contemporain? Certains pourraient répondre qu’il ne s’agit là que d’un pressentiment certain. Ceux-là, Blue Meridian leur donnerait fort probablement raison. En effet, s’il est certain, selon Blue Meridian, que Denoot a fantasmé l’empire, il n’est pas un élément fondateur de la culture américaine qui n’y soit présenté, de sa culture militaire, agraire, religieuse et de ses icônes; le train, la station d’essence, Thanksgiving, le diner’s, etc. Il ne faut pas s’y méprendre, l’Amérique filmée ici n’est pas celle, triomphante, qu’il est donné de voir.
L’ouvrage constituerait plutôt que la taxinomie du rêve américain, celle de l’échec américain, de ses failles, de ses brèches. Il n’est pas fortuit en ce sens que ce soit le long du Mississipi, depuis Cairo, cité autrefois emblématique de la prospérité accordée au modèle américain désormais fantôme, jusqu’à la «fin du monde» louisianaise que Denoot décide de camper sa caméra. C’est le géographique qui en premier lieu semblera constituer le fil qui ne cesse de sourdre à l’œuvre. Pourtant les portraits des quelques individus peuplant encore les ruines du Sud mythique présentent cette caractéristique commune de ne sembler être que la résultante directe d’une longue généalogie de dépossédés, de laissés pour compte.
Et il n’en faut pas plus pour cerner l’envers américain, un dispositif fort simple, dépourvu de commentaires, dépouillé de mise-en-scène sinon de ces incessants travellings du délabrement que n’interrompent qu’un portrait ça et là et l’insistance peut-être sur le décor. Ainsi, au-delà du constat de ces lendemains aujourd’hui qui semblent moins assuré qu’hier, du mythe qui s’effrite découvrant la déception, l’amertume, les vielles rancœurs, au-delà de la peur de disparaître, de ne pouvoir se transmettre, de ne pouvoir s’adapter, se révèlent des individus, des communautés n’ayant au final connu que cela.
Évidemment, certains encore ne savent plus vers quels sommets se tourner, Dieu, la destinée ou un gouvernement qui leur est tout autant étranger, se prostrent, mais d’autres encore s’organisent, entretiennent l’espoir et faire cela, c’est déjà résister et survivre. Et c’est cela que Denoot nous donne à voir, tant mieux.
Blue Meridian de Sofie Benoot (Belgique)
80 minutes
Au Festival du nouveau cinéma
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