En pleine ère de consommation, des entreprises tentent de vendre le rêve en quantité industrielle par la façon la plus traditionnelle: le porte-à-porte.
Parajuriste de profession, Chantal Delisle est devenue représentante de la ligne de cosmétiques Avon par accident. Lorsqu’elle s’est lancée en affaires en 2008, elle n’avait pas d’attentes particulières, mis à part obtenir des produits de beauté à rabais. Un an à peine après avoir débuté, la crise économique a raison de son emploi à temps plein. C’est donc un nouveau départ pour celle qui doit se bâtir une clientèle.
La vente directe peut s’avérer une bonne solution pour les femmes en quête de changement de carrière, selon la chercheuse à la Chaire de relations publiques et communication marketing de l’UQAM, Pauline Breduillieard. «Il y a la possibilité d’être son propre patron, celle de gagner ce qu’on veut et la possibilité de faire son propre horaire, énumère la spécialiste. Cela vient chercher les femmes qui désirent concilier le travail et la famille.» Plusieurs formations et cours sont offerts par les entreprises de vente directe, mais il n’y a aucune formation obligatoire. «Quand tu deviens représentante, la seule obligation que tu as, c’est de faire une seule commande tous les deux mois», explique Chantal Delisle.
Ne disposant d’aucune publicité, ces femmes carburent à leur réseau de contacts et s’imposent à chaque fête ou rassemblement de quartiers. Chantal Delisle dépose des brochures de maison en maison, en laisse au bureau et fait le tour des centres d’achat de son coin. «C’est plus difficile pour quelqu’un comme moi qui n’a pas un très grand réseau de contacts, admet la femme de carrière. Il faut travailler deux fois plus fort. Le soir, même les enfants mettaient les mains à la pâte.»
Si ce changement de carrière a changé la vie de Chantal Delisle, il a pallié à son manque de vie sociale. «J’ai des clientes depuis quatre ans et il y a des liens qui se tissent. T’en perds, mais t’en gardes.» De porte en porte, avec un petit réseau en poche, l’ancienne parajuriste réussit à faire augmenter ses ventes au fil des années.
Pas si rose que ça
Si certaines vendeuses utilisent la vente directe comme revenu d’appoint – comme c’est le cas d’Isabelle Lalonde, conseillère Tupperware et ancienne étudiante en arts plastiques à l’UQAM – d’autres délaissent leur emploi pour se consacrer uniquement au marketing de réseau. «Une conseillère qui s’investit à temps plein dès la première année et qui met en application tous les conseils qu’on lui donne peut facilement toucher un salaire de 50 000 $ net et plus», rapporte l’adepte.
Si l’argent semble pousser dans les arbres, la réalité est tout autrement. Chantal Delisle, représentante Avon, est redevenue parajuriste pour se concentrer à Avon à temps partiel. «Avant de se bâtir quelque chose de solide avec Avon, ça prend des années, confesse-t-elle. À moins de procéder un gros réseau social et d’y consacrer beaucoup de temps.»
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L’obligation d’acheter
La réussite du marketing relationnel réside dans le pouvoir des groupes de références. Le directeur du Centre d’études en communications marketing de l’UQAM, Roy Toffoli, parle même d’un sentiment d’obligation d’achat face aux regards de ses amis. «Les gens se disent: “si je n’achète pas, qu’est-ce que les gens vont penser de moi?”.» Il y aussi le contact initialement amical qui pousse la personne à accepter la démonstration de sa bonne amie. «On peut facilement parler de commercialisation de l’amitié, ajoute Roy Toffoli. Je me rends chez une bonne amie pour qu’elle gagne des prix. Si je veux avoir des prix, je dois ensuite recommander d’autres amies.»
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Une pratique qui remonte à loin
Ces entreprises ont changé la vie des femmes d’un point de vue sociologique dans les années 50 et 60. «Elles ont permis d’émanciper la femme, à les sortir de leur domicile et à voir des amis», explique Roy Toffoli. La vente directe a vu le jour il y a plus de 100 ans avec The California Perfurme Compagny, l’ancêtre d’Avon. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les femmes sont expulsées des usines et les entreprises de ventes directes deviennent l’alternative pour obtenir un revenu supplémentaire tout en s’occupant de sa famille. Le marketing relationnel a même aidé certaines personnes provenant de milieux défavorisés à se créer un revenu d’appoint tout en leur offrant un bénéfice social qu’ils n’auraient pas eu sans, selon le chercheur Roy Toffoli.
Crédit photo: Flickr
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