Madame UQAM

C’est parti. L’Université du peuple quitte ses murs bruns pour retrouver les fanions et les chants révolutionnaires qui lui sont chers. La masse québécoise le dira dans les prochains jours, l’UQAM est toujours en grève. On l’entend déjà souvent. À l’ère du meme, on se fait coller à tour de bras cette étiquette d’université la plus militante au Québec. Mais au-delà du stéréotype, force est de constater que l’âme même de notre institution est en ce moment en pleine révolution. Et je ne vous parle pas du débat étudiant, mais plutôt de ce qu’il se passe entre les murs de l’administration. Depuis quelques années, l’UQAM subit, pour le meilleur et pour le pire, une véritable révolution tranquille.

Je ne veux pas faire de moi l’avocat du diable. Disons seulement qu’aujourd’hui, je vous écris comme le chroniqueur du diable – un observateur distant armé d’une plume agaçante, mais parfois tranchante. C’est que de mon local au pavillon V, j’ai regardé notre clocher universitaire se transformer. Dans un coin de classe, avec comme lampe de chevet un néon vétuste, j’ai glissé mon nez dans les archives de l’Université. J’ai retracé, de ses fondations jusqu’à aujourd’hui, le parcours tumultueux de cette dame qu’est l’UQAM. Et, autant vous le dire maintenant, si notre Université était une femme elle serait une belle libertine qui se serait repentie au fil de ses erreurs.

Au bord du gouffre, la direction a sauvé l’Université d’une faillite quasi inévitable. On n’a qu’à se rappeler de l’épisode de l’Îlot voyageur – une Sagrada Familia québécoise en beaucoup moins chic – qui avait endetté jusqu’à l’os notre chère dame. Et pourtant, elle s’est relevée. En partie, parce que la direction a su ramener l’Université à la hauteur de son clocher.

Pourtant, cette rescousse aura changé à tout jamais le visage de la dame. Plus autoritaire et plus individualiste, les traits de l’UQAM se sont durcis ces dernières années. Son changement d’attitude aura d’ailleurs causé son divorce avec la TELUQ (à lire l’article La TELUQ à nouveau célibataire). Trop occupée à sa refonte, notre Université a échoué son mariage. Elle se retrouve maintenant seule dans la grande métropole avec une volonté différente d’autrefois.

Dorénavant célibataire, l’UQAM semble prête à quitter le nid familial du réseau des Universités du Québec et à s’éloigner pour de bon de ses idéaux passés. Et à la lumière de son histoire, j’affirme sans hésitation qu’aujourd’hui le surnom de l’Université du peuple est dépourvu de sens. On devrait plutôt parler d’une institution du savoir avec un grand «U», à l’image de l’UdeM, et d’une école avec un très petit «Q», comme dans «Québec je ne m’en souviens plus». Ce que je veux dire, c’est que notre dame veut quitter avec un peu trop de force la cour des petits. Elle veut rivaliser avec les grandes institutions et cela, même si ça peut lui coûter une place à la table de ses consœurs au réseau des Universités du Québec.

Est-ce que l’UQAM est en avance sur son temps ou est-elle simplement en train de tuer le rêve d’une université publique en plein Montréal? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais du moins, on peut se consoler en se disant que tant qu’il y aura une révolution, il y aura une institution du peuple.

Williams Fonseca-Baeta
Chef de pupitre UQAM
uqam.campus@uqam.ca

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