Abandonnés à leur reflet de la réalité

 

Tension, violence, racisme, manipulation, maladie mentale, préjugés, amour, traumatisme et limites. Cette multitude de thèmes déferle dans la pièce Orphelins du dramaturge britannique Dennis Kelly et présentée depuis le 10 janvier au théâtre La Licorne. La critique contemporaine de notre société qui y est faite porte énormément à réflexion, autant sur nos propres vies que sur le monde qui nous entoure.

Dans sa mise en scène, Maxime Denommée opte pour un décor minimaliste. Un appartement bien simple où l’attention des spectateurs est canalisée sur le jeu des trois acteurs. Brillant par son oscillation émotive, le personnage de Liam, joué par Étienne Pilon, capte l’attention durant toute la représentation. Cette âme meurtrie complètement déconnectée de la réalité est rongée par une maladie mentale qui lui fait commettre des actes inhumains, d’un incroyable sadisme. Pourtant, malgré ces actes de cruauté, l’amour que sa sœur lui porte dépasse les limites imaginées et mettra en péril son couple et sa famille. La pièce porte à réflexion sur la force de l’amour familial par rapport à l’amour conjugal. Les tensions entre les personnages croissent à vue d’œil tout au long de la représentation et les comédiens ne faiblissent jamais.

Orphelins fait appel à notre intellect et nous porte à réfléchir sur une multitude de questionnements, sans tenter d’épargner nos âmes fragiles et en nous déstabilisant allègrement. Nous croyons, au XXIe siècle, avoir moins de préjugés envers les étrangers, mais sommes-nous réellement aussi ouverts qu’on le prétend? Le racisme est un problème grandissant dans notre société et la pièce en dégage un portrait plutôt inquiétant, quoique très près de la réalité. Même si la pièce dépeint une réalité remarquée par le dramaturge en Angleterre, la problématique qui y est présentée s’étend à l’ensemble de notre société contemporaine. «On ne fait rien parce que ce n’est pas un des nôtres, c’est ça?», déplore un des personnages dans un cri du cœur. Laisse-t-on quelqu’un mourir, car c’est un Arabe et qu’il doit sûrement mériter son sort? Les tensions montent entre le mari et la femme, leurs valeurs s’entrechoquent et ira même jusqu’à ébranler solidement un couple qui semblait au comble de leur bonheur. À plusieurs moments durant la pièce, des extraits musicaux chaotiques marquent les revirements de l’histoire. Question de déconcerter encore plus le spectateur et de lui laisser le temps de se resituer dans le cours de l’histoire, qui avance à une vitesse hallucinante.

À travers les pièces qui ont marqué la carrière de Dennis Kelly, la violence est un thème qui revient régulièrement. La tare humaine finit inévitablement par faire ressortir les côtés noirs de l’homme, particulièrement en temps de crise. Orphelins en est l’exemple parfait. Elle nous fait réfléchir et nous permet de voir le monde sous un autre œil, plus critique et troublant. Cette pièce déroutante vaut définitivement le détour.

Orphelins de Dennis Kelly au théâtre La Licorne du 10 janvier au 18 février.

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