Dur labeur, faible récolte

À défaut de garnir le portefeuille des producteurs, les festivals internationaux assurent une visibilité au septième art de chez nous.

Sourire aux lèvres, éblouie par les flashs des caméras et entourée par une horde de journalistes, l’équipe du film Incendies foule le tapis rouge du Festival de Cannes. Le chemin a été ardu pour se rendre au nec plus ultra des évènements cinématographiques. La participation à de tels évènements demande un effort de tous les instants et des moyens financiers que tous n’ont pas.

Pour mousser leur candidature à l’international, les créations d’ici peuvent compter sur l’aide financière des sociétés gouvernementales. Celles-ci ne sont toutefois pas promptes à délier les cordons de leur bourse. Le montant qu’elles offrent est bien chétif, considérant le nombre de productions qui souhaitent sortir des frontières. Téléfilm Canada dispose d’une enveloppe budgétaire de 300 000 $ pour ouvrir les portes des grands festivals internationaux. La cagnotte est alors investie dans les frais afférents à la candidature et dans les campagnes de publicité visant à coloniser les salles de cinéma du monde entier. «Le montant n’est pas tellement élevé, mais on ne fait pas de saupoudrage, on met nos moyens derrière les films qui ont des chances», tranche Richard Beaulieu, spécialiste de la planification et de la recherche à Téléfilm Canada. La Société de développement des entreprises cultuelles (SODEC) soutient les exportations de films par la voie de leur programme SODEXPORT. Sous forme de prêts pouvant atteindre 100 000 $, celui-ci aide les producteurs dans la distribution de leurs films dans le monde. Une mise de fond considérable de 30% est cependant requise pour obtenir la somme.

La SODEC est également partenaire de plusieurs évènements qui visent à promouvoir le cinéma d’ici à l’étranger, comme Cinéma du Québec à Paris ou Cinéma del Québec à Barcelona. Cette aide, les producteurs en ont besoin. «Si vous êtes sélectionné à Cannes, vous devez présenter 5000 dossiers de presse et tout ce que vous avez à présenter vous coûtera au moins 25 000 $», avertit celui qui est à l’emploi de Téléfilm.

Autour du monde
Le boom des festivals dans les dernières années a propulsé le cinéma québécois dans les salles de nombreux pays. «Auparavant, il n’y avait que quelques évènements d’envergure, comme Cannes en France et Berlin en Allemagne. Maintenant, les festivals prolifèrent, comme ceux de Locarno en Suisse, San Sebastian en Espagne et Sundance aux États-Unis», s’enthousiasme Louis Dussault, président de K-films Amérique. Ces évènements sont des incontournables pour les œuvres qui souhaitent avoir un rayonnement à l’étranger. «C’est là que les films rencontrent le marché, confirme Richard Beaulieu. Un nombre grandissant de productions québécoises bénéficie d’une vitrine dans le monde.»

Cinéma québécois
Certains impédimenta s’imposent toujours aux créateurs de chez nous. Contrairement aux films américains ou français, l’étiquette québécoise ne suffit pas quand vient le temps de promouvoir un film. «Nous n’avons pas d’acteurs connus à l’étranger et Denys Arcand ne fait pas 15 films par année. Il faut donc trouver une façon de vendre nos films», laisse tomber Louis Dussault. Les productions québécoises doivent être bien encadrées pour s’assurer qu’elles soient présentes aux grands rendez-vous du cinéma. La meilleure façon de développer le goût des cinéphiles demeure de présenter des œuvres de qualité. «Le fait qu’on offre un cinéma qui véhicule nos valeurs et notre identité nous a permis de nous forger une très belle réputation à l’international», selon Marie-Pierre D’Amour, conseillère en communication à la SODEC.

Elle affirme que «le cinéma québécois se vend plutôt bien sur la scène internationale». Si la langue de Molière a pu être une anicroche à l’épanouissement du septième art québécois dans le passé, ce n’est plus le cas. «Dans un premier temps, c’est la langue française qui nous a permis de franchir nos frontières et de rayonner à l’extérieur. Il était facile d’exporter nos productions en France et dans les pays de l’Europe francophone», rappelle-t-elle.

Les productions québécoises font des pieds et des mains pour que le fruit de leur travail soit vu à l’extérieur du Québec, mais force est d’admettre que très peu d’argent revient au pays du sirop d’érable. «Je dirais que 99% des producteurs ne touchent pas les recettes de la vente de leur film à l’étranger», se risque à dire Louis Dussault. Richard Beaulieu ajoute que le dernier film québécois en français à avoir généré des profits est Le déclin de l’empire américain dans les années 1980. Depuis, plusieurs Québécois ont attiré les regards sur le tapis du Festival de Cannes. C’est souvent la récompense la plus chère que récolteront ceux-ci.

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Des auteurs à la hauteur
Le cinéma de répertoire québécois se tire très bien d’affaire. Il a connu une année faste. Nuit #1, d’Anne Émond, a remporté le prix du meilleur film canadien au festival de Vancouver, en plus du grand prix du jury du festival du film de Tübingen, en Allemagne. Le Vendeur de Sébastien Pilote a pour sa part raflé le grand prix du jury du festival de Mumbaï. Comme quoi le talent peut s’exprimer même dans les productions à petit budget.

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