La tête de Turc

Alors que les employés de soutien de plusieurs universités du Québec s’affairent à renégocier leur convention collective, les esprits s’échauffent. Les administrations refusent de payer, les syndiqués réclament la reconnaissance.

Avec le sous-financement que connaissent actuellement les universités québécoises, les employés de soutien qui renégocient leurs conventions collectives partout à travers la province craignent d’être les martyrs de l’équilibre budgétaire. Déjà, ceux des universités Sherbrooke et McGill ont opté pour la grève pour tenter de préserver leurs acquis. Mais la détermination des administrations à limiter les dépenses n’a rien d’encourageant pour les employés de soutien des autres établissements.

En juin 2010, le gouvernement provincial libéral faisait adopter, sous bâillon, le projet de loi 100, visant le retour à l’équilibre budgétaire pour 2013-2014. Cette loi vise à réduire de 10% les dépenses dans les administrations publiques, dont celles des universités. La législation ne mentionne toutefois pas les conditions salariales des employés de soutien et laisse la négociation entre les mains des universités. Dans ce contexte, le président du syndicat des employés de soutien de l’Université de Sherbrooke (SEESUS), Stéphane Caron, s’en prend à la façon dont l’administration en profiterait pour économiser sur le dos des employés de soutien, plutôt que de couper dans l’administration, comme la loi 100 le prescrit. Pourtant, le vice-recteur au développement durable et aux relations gouvernementales de l’Université de Sherbrooke, Alain Webster, qualifie «d’aussi généreuse» l’offre qui a été proposée aux membres du SEESUS que celle qu’ont acceptée les employés de l’administration. Par ailleurs, il assure que les coupures budgétaires ne sont pas en lien avec la qualité du travail des employés de soutien.

Si la loi 100 permet aux établissements de conserver une autonomie financière par rapport au gouvernement, elle rend toutefois les négociations entre administrations et employés plus ardues. «L’Université McGill et l’Université de Sherbrooke sont les premières à revoir leur convention collective dans le contexte du nouveau budget Bachand et en lien avec la loi 100. C’est plutôt ça qui rend les choses compliquées», confirme Alain Webster. Même son de cloche à l’Université McGill, où son vice-principal, Michael Di Grappa, a affirmé, dans une lettre ouverte à The Gazette, que les coupes dans le fonds de pension des employés de soutien n’étaient qu’un écho des difficultés économiques récentes.

Mais du côté des syndicats, on n’y croit pas. Selon Stéphane Caron, les difficultés seraient plutôt le reflet d’un «réel manque de volonté des universités». Il parle désormais de «bataille pour la dignité».

À McGill aussi, la colère gronde. Les membres de la McGill University Non-Academic Certified Association (MUNACA), en grève depuis le mois de septembre, se sont vu empêcher de manifester aux abords des édifices appartenant à l’institution. Après un troisième prolongement, l’injonction s’étend désormais jusqu’en janvier 2012. Obtenue par le Centre Universitaire de Santé McGill, une nouvelle injonction a aussi interdit les rassemblements à proximité du chantier de construction. Patrick Leblanc, porte-parole des membres du syndicat, est visiblement déçu que l’Université accorde «davantage d’importance aux symboles de l’établissement plutôt qu’à un règlement du conflit». Les manifestations des employés se poursuivront aux quatre coins de la ville, indique le porte-parole.
Bien qu’il ne soit pas encore question de grève, les employés de soutien de l’Université Concordia peinent également à obtenir leur juste part du gâteau. «Si on a tellement de la misère à négocier, c’est que l’administration et les professeurs, ça coûte très cher. Alors quand il faut économiser, ils vont le faire sur le dos des employés de soutien», explique la présidente du Syndicat des employés de soutien de l’Université, Danièle Berthiaume.

Exception à la règle, l’Université de Montréal en est venue très rapidement à une entente avec ses chargés de cours. «Je n’ai pas senti que l’administration sous-estimait ses employés et si ça avait été le cas, il y aurait eu des plaintes et ça me serait venu aux oreilles assurément», indique Éric Romano, vice-président à la mobilisation et de l’information du Syndicat des employés de l’Université de Montréal. La méthode de négociation utilisée à l’Université de Montréal n’est cependant pas traditionnelle. L’approche, fondée sur les intérêts, propose de s’attaquer aux problèmes et non aux personnes et établit la négociation sur les intérêts réels de chaque parti et non sur des positions qu’elles ont adoptées. Une méthode plus «flexible», qui aurait avantage à être plus utilisée selon Éric Romano, alors qu’elle permet «une bien meilleure coopération.»

À l’UQAM, la convention collective des employés se termine en 2012. «Le syndicat suit de très près les négociations à Sherbrooke et à McGill», affirme Claire Bouchard, responsable de l’information au Syndicat des employés de l’UQAM. Les négociations ne commençant que cet hiver, les enjeux ne sont pas encore clairement définis. «Les choix faits à Sherbrooke auront sans aucun doute un effet sur notre pouvoir de négociation», explique-t-elle. À terme, ce que désire Claire Bouchard c’est que «[leur] travail soit reconnu et que l’on respecte l’apport des employés dans ce qu’ils sont et dans ce qu’ils font».

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