Le blues de la métropole

Transports bordéliques, cacophonie, travail harassant: résider ou avoir longtemps vécu en ville multiplierait les chances de souffrir d’anxiété, de stress, de schizophrénie et d’autres troubles de l’humeur.

Habituée au calme et à la sérénité de la campagne, Élianne, étudiante originaire de Saint-Hyacinthe, a sombré dans la mélancolie lorsqu’elle s’est installée à Montréal pour poursuivre ses études. Le dynamisme de la faune métropolitaine l’a étourdie au point de nuire à ses études et à sa santé mentale.

Le lien entre la vie en milieu urbain et plusieurs problèmes de santé mentale a pour la première fois été confirmé grâce à une étude internationale réalisée par des chercheurs de l’Institut Douglas, à Montréal, et de l’Université de Heidelberg, en Allemagne. Ils ont démontré que la vie urbaine a une incidence sur deux régions distinctes du cerveau, qui régulent les émotions et le stress. «Une grande majorité des troubles de l’humeur sont biologiques, mais l’environnement social peut avoir une grande influence», explique Stéphane Dandeneau, professeur au département de psychologie de l’UQAM. Selon le chercheur, la personne doit présenter une vulnérabilité émotionnelle qui, combinée au stress social, favorise le développement de problèmes comportementaux.

Selon l’étude, le risque de troubles anxieux est de 21% supérieur chez les citadins, chez qui l’on observe également une augmentation de 39 % des troubles de l’humeur. De plus, l’incidence de schizophrénie est presque doublée chez les personnes qui sont nées et/ou ont grandi à la ville.

Pour Élianne, tout à Montréal était facteur de stress: l’autobus en retard, les passagers entassés dans le métro… même l’attente à l’épicerie l’angoissait! «Je n’ai jamais été un modèle de stabilité émotionnelle, avoue l’étudiante.  Mais je n’avais jamais perdu le contrôle de moi-même comme cela.»

À l’école, son attention diminuait, elle éprouvait de la difficulté à rester concentrée et perdait peu à peu sa motivation. «J’ai toujours été une élève studieuse, mais après mon déménagement j’ai coulé la moitié de mes cours, alors j’ai fini par abandonner», s’attriste Élianne en repensant à tout ce qu’elle a sacrifié.

Lorsqu’elle a quitté l’école et coupé les ponts avec tous ses amis, la jeune femme était devenue violente et ne se reconnaissait plus. Son copain a commencé à s’inquiéter. «J’étais toujours angoissée et j’avais les nerfs à vif. Puisque ça ne semblait pas s’améliorer, mon chum m’a alors forcée à consulter des spécialistes», confie-t-elle.

 

Étude révélatrice

Le chercheur montréalais Jens Pruessner et ses collègues allemands ont démontré que la vie urbaine est associée à une plus forte réaction de stress dans les amygdales du cervelet, zone cérébrale jouant un rôle dans la régulation des émotions et des humeurs. Publiée dans l’édition du mois de juin de la revue Nature, l’étude met en lumière les risques que l’environnement urbain fait courir quant aux troubles mentaux et à la santé en général. «Il est également possible d’entrevoir une nouvelle approche entre les sciences sociales, la neuroscience et les politiques publiques en vue de relever le grand défi  pour la santé que représente l’urbanisation», peut-on y lire.

Malgré la validité de l’étude, Jean-Rémy Provost, directeur général de Revivre, un organisme de soutien aux personnes souffrant de troubles anxieux, affirme qu’il faut nuancer les conclusions. Les intervenants reçoivent des appels de détresse des quatre coins de la province, provenant autant des régions que des grands centres urbains. Mais pour certains personnes prédisposées aux troubles de l’humeur, le chaos des villes peut agir comme un déclencheur de l’anxiété. «Les résidents de la campagne ne sont pas à l’abri du stress, précise le responsable. Mais les gens en ville sont plus sujets à l’instabilité émotionnelle, car il y a plus de facteurs stressants dans leur environnement.»

À la suite des recommandations de son médecin, Élianne est retournée dans sa ville natale afin de minimiser les facteurs de stress dans sa vie. Elle prend maintenant une médication quotidienne qui lui permet de contrôler ses sautes d’humeur.  «Je suis consciente de l’impact que l’environnement a sur moi et je vais tout faire afin de minimiser les facteurs de stress», affirme-t-elle, résignée. Élianne sait maintenant que la ville n’est pas un milieu adéquat pour elle. «Je limite mes visites dans la grande métropole. Je ne veux plus jamais perdre le contrôle comme je l’ai fait.»

Photo: Mathew Spolin

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