L’Évangile selon l’UQAM

Dans l’agora du pavillon Judith-Jasmin, cœur de l’ancienne église Saint-Jacques, un kiosque affichant un petit poisson bleu informe les étudiants sur l’Iktus, le groupe étudiant chrétien de l’UQAM. Si certains questionnent la place d’un groupe religieux dans un établissement universitaire, d’autres le juge aussi légitime qu’une équipe de badminton ou un orchestre de flûte traversière.

Selon la professeure titulaire de la Chaire de religion, culture et société de l’Université de Montréal, Solange Lefebvre, bien que toute institution scolaire publique soit fondamentalement laïque, des regroupements confessionnels peuvent se former dans les écoles québécoises. Cela, tant qu’ils n’exercent pas de pressions indues envers les étudiants. «Là où il pourrait y avoir un problème, c’est dans un établissement où il y a des mineurs», précise-t-elle. À ses yeux, des locaux peuvent donc être loués sans problème par des groupes religieux à l’UQAM ou ailleurs, en dehors des heures de cours.

Frédéric Castel, chargé de cours du département de science des religions à l’UQAM, nuance. «La question de la légitimité d’un groupe pourrait se poser s’il y avait eu un scandale ou un leader contesté. Ici ce n’est pas le cas, donc la question ne se pose même pas.»

L’Iktus offre aux uqamiens, depuis 24 ans, un service œcuménique d’animation biblique et pastorale. Midis-causeries, club d’engagement social, conférences, prières, ateliers de chant, «il y a plusieurs activité; parfois spontanées, parfois plus organisées», s’enthousiasme Nathanaël Pono, étudiant au BAC en Études littéraires à l’UQAM et membre de l’Iktus depuis 2009. Il considère pour sa part que la légitimité du regroupement chrétien réside dans le fait que c’est un groupe agréé qui rassemble des étudiants ayant des intérêts communs.
Agréé en 1997, le groupe bénéficie des subventions octroyées par le service de soutien aux activités étudiantes (SSAE) pouvant atteindre annuellement 2000$, selon le conseiller à la vie étudiante Yannick Richer.

À l’UQAM, comme ailleurs
La plupart des universités québécoises accueillent des groupes religieux. À l’Université de Montréal, c’est le Campus pour le Christ, alors que l’Université McGill en compte une dizaine et possède depuis quelques années sa propre salle de célébration. Selon Solange Lefebvre, «le milieu anglophone est d’ailleurs beaucoup plus à l’aise avec [ce concept]».

Alors que ces regroupements existent déjà un peu partout en Europe et que les États-Unis ne se hérissent pas à l’idée, l’UQAM reste un peu frileuse. «Avec ce qui s’est passé à l’École de technologie supérieure (ETS), il semble y avoir un peu de tensions du côté des groupes religieux à l’UQAM», avance la professeure, faisant référence au litige entre 113 étudiants musulmans et l’ETS survenu en 2006.

Pour Frédéric Castel, certaines tranches de la société restent craintives à cause d’une mauvaise compréhension du terme laïcité. «La majorité de la population pense que ça veut dire qu’il faut éliminer la religion complètement, la rendre invisible. Mais il s’agit plutôt de séparer l’État de la religion». Il explique donc que l’établissement de l’UQAM est laïc, mais ça ne s’applique pas aux individus ou aux groupes étudiants.

Solange Lefebvre croit ainsi fermement à la place de la religion dans l’espace publique. «Il faut travailler collectivement et il ne faut pas traiter ces groupes comme des créatures étranges», rigole-t-elle.

Le président de l’Iktus, Jorge Falla Luque, temporise. «Nous prenons très au sérieux l’image de notre groupe, car cela engage notre crédibilité.» Jugeant le délai trop court, il n’a pas répondu aux questions du Montréal Campus.

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