Réinventer l’art d’apprendre

Aller au théâtre ou non, la décision est entre les mains des enseignants. Mais pour les écoles des régions, la volonté se heurte parfois au manque de moyens.

Enregistrer une chanson sous la supervision d’un musicien professionnel ? Pour des élèves du primaire, l’expérience peut être bien plus motivante qu’un cours de mathématiques ou de français. Mais réalisée dans un contexte académique, elle peut vite redonner à ces jeunes enfants le goût de l’école.

Chaque année, des élèves du primaire et du secondaire reçoivent dans leur classe des artistes afin de mettre sur pied un projet artistique maison dans le cadre du programme La culture à l’école. Mise sur pied en 2000, cette initiative permet à un maximum de jeunes québécois de vivre une expérience culturelle dans leur milieu scolaire.

Malgré les efforts, l’accès à la culture dans les écoles diffère encore beaucoup d’une commission scolaire à l’autre – voire d’une école à l’autre –, les initiatives culturelles étant à la charge des enseignants. «Le nombre d’activités culturelles varie selon la volonté des enseignants, soulève la coordonnatrice aux activités culturelles de la Commission scolaire du Lac-Abitibi, Johanne Dubeau. Ce sont eux qui soumettent les activités.»

C’est d’ailleurs afin d’aider les enseignants que le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine (MCCCF), en collaboration avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), a décidé d’offrir du financement à quiconque en fait la demande par le biais du projet La culture à l’école. À partir d’une banque de données répertoriant plus de 1850 artistes préalablement approuvés par le MCCCF, le corps enseignant de la province peut réaliser un projet artistique avec sa classe. Laurence Saint-Denis, responsable du projet en Montérégie, estime que La culture à l’école est un bon moyen pour permettre aux élèves de participer activement à un atelier culturel en classe et d’en voir les résultats. La Montérégie bénéficie d’une enveloppe de 400 000 $ par année, pour environ 400 écoles primaires et secondaires publiques, soit 1 000 $ par institution. «C’est un bon projet et ça fonctionne bien, croit également le président du Conseil québécois de théâtre, Sylvain Massé. Mais parfois, les artistes remplissent les formulaires de participation eux-mêmes. Le personnel dans les écoles n’a pas le temps de s’en occuper.»

D’une région à l’autre
Dans un article d’opinion paru dans le quotidien Le Devoir en février dernier, l’homme de théâtre mettait de l’avant l’inefficacité des programmes gouvernementaux pour rendre la culture et les arts accessibles à tous les jeunes de la province. En effet, selon lui si «ces mesures contribuent à une approche des élèves aux arts et à la culture, elles ne garantissent pas un accès équitable pour tous les élèves dans toutes les régions du Québec». Il ajoute que «cet accès demeure toujours très inégal et souvent sporadique d’une région à l’autre».

Sylvain Massé insiste entre autres sur le fait que, en matière de sorties culturelles, les élèves provenant de milieux ruraux restent désavantagés face à l’abondance culturelle dans les grands centres urbains. Contrairement aux commissions scolaires du Grand Montréal, qui ont des ententes avec leurs compagnies de transport en commun, celles à l’extérieur doivent défrayer des coûts supplémentaires en raison de leur situation géographique. «Il y a une grande iniquité dans les régions à cause des frais exorbitants de transport, déplore l’homme de théâtre. Seul le chauffeur d’autobus est gagnant; il est payé plus cher que n’importe quel interprète.»

Même si l’Abitibi ne foisonne pas de salles de spectacles et de galeries d’art, Johanne Dubeau assure que sa région offre des lieux culturels pertinents aux écoles avoisinantes, tels que des artisans, des maisons historiques ou un centre d’art. La plupart des écoles doivent, toutefois, assumer des coûts supplémentaires pour organiser des sorties deux ou trois fois par année dans la région de Québec ou de Montréal, où les élèves restent quelques jours pour visiter.

Quelques «modèles de réussite» hors des grands centres urbains doivent servir d’exemple, selon le Conseil québécois du théâtre. Malgré sa situation géographique éloignée, la commission scolaire Pierre-Neveu, dans les Hautes-Laurentides, a mis sur pied un programme artistique en partenariat avec des organismes locaux pour des élèves aux prises avec un problème de toxicomanie. De plus, tous les élèves assistent obligatoirement à au moins une pièce par année. Le gouvernement provincial a donné 13,6 M$ pour une salle de spectacle multifonctionnelle à Mont-Laurier qui verra le jour sous peu, facilitant ainsi la tâche aux écoles pour les sorties culturelles.

Du financement pour les moins bien nantis
Afin de bien répartir l’argent disponible, chaque école est soumise à une évaluation selon l’indice du seuil du faible revenu et l’indice du milieu socio-économique; ce qui influence le financement aux activités culturelles. «Selon le classement, une école peut aller au théâtre trois fois par année ou ne pas y aller du tout, dénonce Sylvain Massé, fondateur de la troupe de théâtre Motus qui s’adresse spécialement à un jeune public. Les écoles riches, elles, peuvent se permettre de financer des sorties.»

Lui-même issu d’une famille à la situation précaire, Simon Brault, de Culture Montréal, vante les programmes culturels pour écoles défavorisées présents dans la métropole, qui disposent de plus de revenus. «L’enjeu de la culture va au-delà des questions économiques», exprime-t-il. À son avis, les fonds supplémentaires pour les activités culturelles devraient être augmentés dans les écoles de régions défavorisées, à l’instar de Montréal.

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